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Etats-Unis, 2008

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décembre 4, 2012 par Isabelle

Flagstaff, le 10 juillet  

« Marche dans la beauté »

Nous nous mettons lentement en marche après des heures de décalage horaire, mais tout se profile pour le mieux. Bien installés, bonne voiture, le soleil se montre.

Grand Canyon. Nous sommes perclus de courbatures, car…enfin, nous avons descendu le Bright Angel Trail, 10 km dans un dénivelé de 650 m dans un sens puis dans l’autre pour remonter, avec notre petit et très bon marcheur, l’eau, la nourriture et le sac photo, le tout en 5 heures. Température douce de Flagstaff au sommet et étouffante en bas ; celle de Phoenix. Great expérience.

Nous essuyons de gros orages à Flagstaff, très inattendus. Il n’a pas du tout fait chaud ces derniers jours. Mais aujourd’hui sunny.
Notre maison est très confortable, meublée de lits haut et larges, de moquette épaisse. Il y a un ping-pong à côté du salon, les enfants adorent. Côté photo, Zeph trouve sa « nourriture ».

Moi, je passe de longues heures avec Leaphorn. Tony Hillermann accompagnera ce voyage.
Puis, je cours autour de la maison, dans les chemins qui sentent bon les pins. Évidemment, croisant de solides gaillards qui allongent une foulée quand j’en fais trois, type blonds bavarois de deux mètres de haut, au regard d’acier, qui en Bavière me lanceraient un souriant GRUSSGOTT. Et je continue poussivement, mais avec plaisir.
Fucking computers…. Au seul café internet du coin, les petits échanges épistolaires me réchauffent le cœur. Ensuite, je conduis le voyager Chrysler en quête de canyons et Red rocks, de plateaux volcaniques, de cratères, et ruines Wuptaki (cités indiennes).
Love and peace, marche dans la beauté.

Wed, 16 Jul 2008
Je dois traverser la terre, encore et encore, un projet chasse l’autre. Quel moment privilégié de déambuler à 5, de promener ses petits sur les routes du monde.

Karol est plein d’humour, adorable, chiant et exigeant. Léopoldine bavarde pendant des heures : copines, copains, amour, amitiés, parents, divorce, collège, sa chambre à remeubler. Gildas est un ténor, vigoureux et bruyant, mais le dernier des trois à nous faire des câlins, c’est notre nounours.

Thu, 17 Jul 2008
Zeph a pris ses marques à Flagstaff. Il a trouvé un squat de néo punks, 20/25 ans tout mouillé, où nous sommes allés écouter un concert dans une cave de 30 square meters et où pogotait une trentaine de jeunes, pro-Obama, tatoués et cloutés partout. Ils étaient mignons, il faisait sombre, je n’ai pas vu les bleus dans l’intérieur des coudes.
Puis, un Celtic Festival avec des professionnels, internationaux, qui seront d’ailleurs à l’Inter Celtic de Lorient dans 15 jours.
Puis, un marchand de guitare, luthier, qui fume de la marijuana dans un chilom en verre soufflé très design.
Il fait une bonne étude de la faune, et moi peut être davantage de la flore.
Dans les canyons, Oak creek Canyon, near Sedona, nous nous baignons à Slide Rock. Une collerette de pitons rocheux entoure le site, ainsi que « deep america » around us, ceux qui ont des glacières remplies de sandwiches au beurre de cacahuètes et à la confiture de fraises.

Le décor grandiose est magnifié par un éclairage surréaliste, entre l’orage et l’arc en ciel qui baigne Red Rock. Nous convenons avec un couple d’Hindous venus de Bombay que la terre est belle et mérite la paix pour tous. Take care.
Notre maison dans les bois est très agréable. À 700 mètres d’altitude, le climat paraît tempéré, ce qui le différencie totalement de la plaine transformée en fournaise. Nous y séjournerons 3 jours de plus que prévu.
Endormie avec Leaphorn ce matin dans le hamac au fond du jardin. Les pommes de pin tombaient autour de moi. C’était très doux.

Fri, 18 Jul 2008
Nous avons patrouillé autour de Flagstaff, Sedona, Oak creek Canyon et partons vers Chinle, en pleine réserve Navaho, non loin des Hopis, près du Canyon de Chelly et de Monument Valley.
Nous traversons une immensité poussiéreuse rehaussée par des mesas, parsemée de bosquets verts et gris, dans une belle ambiance tempétueuse. Le ciel sombre, parfois opaque, parfois troué de nuages, craque par endroits. L’horizon si lointain nous offre une vue panoramique incomparable. Le vent soulève des rideaux de particules rouges en tourbillon ascensionnel, aspiré par la masse grise au-dessus de nos têtes, ponctuée d’éclairs. Il pleut violemment par moments et le vent hurle, masquant le croassement de corbeaux tout droit sortis d’un film d’Hitchcock.
Aujourd’hui, nous parcourons le Canyon de Chelly, d’une beauté absolue, de long en large dans le wash, entre les dunes de sable couleur argile, pétrifiées, des roches rouges plissées façon textile, accidentées en tous sens, déposées en vrac, creusées par des millions d’années de torrents de boue et de vents sableux. Amazing, ‘love it.
Les « natives » sont très aidants. Il portent les cheveux noirs, si longs sur le dos. Nombre d’entre eux sont gros ce qui malheureusement atteste de leur niveau social. Ils restent toutefois doux dans la voix et le regard. Peuple paisible.

Mon, 21 Jul 2008
« Ya-ta-hey, marche dans la beauté ». Tribulations en terre indienne.
En terre rouge, une longue route vers le Nord, l’Utah, une route jalonnée de pitons rocheux, de dunes pétrifiées, de désert et de décors lunaires.
Par-ci par-là, des ranchs, des hogans et des maisons préconstruites déposées comme par inadvertance.
Le long de la route, des chiens sauvages, des chevaux navajos sauvages également, ou bien simplement très libres, un pick-up truck tirant un bœuf mort derrière lui, soulevant un nuage de poussière, un troupeau de moutons avec un berger navaho à cheval et ses chiens qui le suivent, et au bout de la route, Monument Valley et ses pitons rocheux à perte de vue d’une hauteur incroyable, rouges dans le soleil déclinant.
En terre blanche, nous roulons vers la réserve Hopi, les First et Second Mesas. Les Hopis sont plus hostiles que les Navajos. Toutefois un certain « Dennis » nous a ouvert sa porte dans son village ancien planté sur le roc, un Hopi éclairé, plein de mystère qui doit danser dans 2 jours pour une cérémonie, il sera le clown (katchina), celui qui apporte le rire aux autres.
Le périple s’est achevé par une pause de plusieurs heures à la station service d’un village au nom imprononçable (j’espère que les portraits seront bien).
Les enfants, upset, ont vidé la batterie à force de regarder des films sur le petit lecteur. Des Hopi diligents ont rechargé tout cela.
Les Cras ont ensuite choisi un raccourci qui s’est très vite transformé en piste, sur de très nombreux kilomètres, pas une âme qui vive, pas une habitation, pas une voiture à croiser, le chrysler pas du tout adapté à cette surface, le soleil déclinant aussi vite que le réservoir et l’orage menaçant, la carcasse d’un bovin gonflé et odorant sur le bas côté. Les enfants chantaient. Et moi, je regardais osciller l’aiguille au minimum de la réserve…Me demandant comment leur annoncer que nous allions dormir dans la voiture, sans provisions jusqu’au lendemain matin.
Enfin, nous n’étions pas fâchés de retrouver le bon vieux bitume avant que l’orage ne nous rattrape. Petite angoisse, malgré une beauté céleste irréelle, à 360 degrés, des couleurs bleu roi flirtant avec le gris opaque, un rainbow, rouge au couchant et lacéré de nuages sur le côté. Ambiance !
De retour dans notre Best Western Motel, nous avons célébré les 8 ans de Gildas, il a reçu en cadeau un tomawak, un drapeau américain et nous avons planté une bougie dans un gâteau infâme. Il était ravi.
Je jogge humblement et très lentement, même que Zeph dit que si je ralentis encore, je recule. Anyway, i love it.
Entourée par tant de beauté, il me prend l’envie de courir en criant, bras ouverts, pour embrasser l’air, l’horizon, embrasser.
Je n’ai pas encore joggé ici et je m’inquiète de la nourriture ingérée, céréales, maïs transgénique, nous allons rentrer gras, avec des pustules, d’autant que je fais une allergie au textile du siège auto, plaques rouges urticantes, un bonheur.
Zeph travaille pas mal, en tout cas il a l’air heureux.

25/07 – Window Rock, centre de l’administration des Navajos. 
Ils sont parés de turquoises, de ceintures à grosse boucle en argent ciselé, et portent tous un chapeau. Habillés en jean et chemise, leurs cheveux longs sont noués en queue de cheval ou repliés dans une lanière d’étoffe claire. Certains d’entre eux sont de hauts dignitaires de la tribu Navaho, présents à l’hôtel, nous pour quelque réunion ou conférence.
Les Navajos ont un calendrier différent du notre, réglé sur les saisons, les lunes, les changements climatiques. Il existe trois sorte d’heures (dixit Hillermann), l’heure normale, l’heure Navajo et l’heure navaho de Short mountain.
À Window Rock comme dans toute la réserve Navajo, nous avons une heure de plus. Dans la réserve Hopi, enclave autonome au cœur de la réserve Navajo, l’heure est simplement celle de l’état d’Arizona.
Nous marchons près du rocher percé. Après 4 jours de voiture, nos corps ont besoin de se mouvoir, nous profitons pleinement de l’air, des odeurs, de la solitude propice à la réflexion. Plus encore, cela nous rappelle que le corps est au service de l’esprit, ce dernier seul est libre. Notre corps a pour fonction première de le suivre, quelle que soit la demande de notre esprit, il est servile en fait.

À Window Rock, se trouve un monument dédié aux radios Navajos (Navajos talkers) qui ont mis au point le plus pertinent des codes secrets pendant l’épisode japonais de la deuxième guerre mondiale. Alors que les japonais avaient percé tous les secrets des codes de transmission américains, 400 Navajos ont conçu un code basé sur leur langue incompréhensible pour les non initiés. Ils ont permis les succès dans toutes les batailles contre l’armée japonaise. Nombre de ces Navajos sont morts avant d’avoir reçu les honneurs de la nation américaine parce que le code a été maintenu secret jusqu’en 1968, au cas où il aurait pu resservir pour quelque autre conflit. Émotion ! Les noms sur le monument sont Begay, Yazzie, Chee et autres patronymes Navajos.

Poème Navaho
Avec le pollen de choses douces elle la prépare
Avec le pollen de choses douces elle la bénit.
Elle la prépare.
Elle la prépare.
Elle prépare son enfant à vivre dans la beauté.
Elle la prépare à une longue vie dans la beauté.
Avec la beauté devant elle, Fille coquillage Blanc la prépare.
Avec la beauté derrière elle, Fille Coquillage Blanc la prépare.
Avec la beauté au-dessus d’elle, Fille Coquillage Blanc la prépare.
Marche dans la Beauté
Nous quittons l’Arizona et la réserve Navaho pour Santa Fe, Nouveau Mexique où nous serons avec toutes sortes de communauté, Pueblos, Mexicains et autres Belacani. Olé. Donc ambiance hispano, Olé.
Nos pérégrinations ont relativisé notre notion du temps.

Les décalages horaires : l’heure d’Arizona, puis l’heure Navaho, puis l’heure Hopi, puis vers le Nouveau Mexique, nous avons laissé tomber cette affaire car nous ne savons plus du tout quelle heure il peut être.

Nous roulons vers l’Est, sur East 40, croisant des cohortes de camions gigantesques, rutilants et colorés, avec 2 cheminées autour de la cabine. Ils sont impressionnants, garés proprement, les uns à côté des autres, sur les immenses parkings des stations services ou des casinos implantés dans ces zones désertiques. C’est inouï, les parkings sont pleins et les « natives » viennent jouer. Les indiens sont également propriétaires de ces lieux de commerce et d’argent.
La vie aux US s’organise autour de la voiture. Il en faut une pour traverser la rue, tout est si grand, si loin, les rues sont tellement larges et les parkings immenses. Être piéton est une hérésie. D’ailleurs, ils ont tous 2 ou 3 véhicules.
Notre Chrysler fait grandement son office. Toutefois, même si l’essence est meilleur marché qu’en France, les voitures consomment largement plus pour au final être un gouffre. Je ne comprends pas comment sont réglés les moteurs. Cela confirme le fait que si les américains roulaient avec des voitures réglées comme les nôtres, ils n’auraient pas recours à l’importation de pétrole. Deuxième confirmation : budget explosé.

Bref, Zeph devient difficile, mal au crâne, fatigue, invivable quoi. Je conduis pendant des heures avec plaisir, j’ai le sentiment de traverser la terre, d’avaler des kilomètres. Nous essayons d’aller au village d’Acoma, Sky City, mais il est fermé aux visiteurs. Comme nous ont dit les Hopi, des cérémonies se déroulent ce week-end dans les villages indiens et ils sont interdits aux visiteurs.
Nous traversons des immensités claires et sèches, avec des hauts plateaux, les fameuses mesas où sont implantés très stratégiquement les villages historiques. Des canyons plus ou moins remarquables, un train au loin qui doit faire un kilomètre de long, chargé de containers de camion rouges, le même qui traverse Flagstaff tous les quarts d’heure en sifflant tellement fort que j’étais bien contente de loger en forêt. Ce train de fret traverse les USA en permanence.
Nous croisons le Rio Grande qui verdit la vallée, si sèche par ailleurs.

À Santa Fe, nous arrivons tard et ne trouvons pas d’hôtel. Tout est complet à cause du Spanish market qui se déroule ce week-end. Stress pour Zeph. Notre quête, avec un Zeph invivable, s’arrête dans l’hôtel du Gouvernor, magnifique et ancien hôtel avec des cheminées, des patios, une piscine avec des plantes autour, une ambiance coloniale sud américaine visible dans toute la ville.

Budget explosé de toute façon.
Zeph stress parce qu’il y a des magasins chics, des touristes. La ville est pourtant très agréable, les maisons sont basses en terre ocre, une grosse terre épaisse ou crépi qui fait les angles arrondis et doux. Il y a des terrasses, des pergolas, des arcades en bois autour des places et des patios, le tout avec du monde et des cafés animés. C’est simplement joli. La température est douce, nous sommes à 7000 pieds d’altitude (2000m).
Nous venons de passer des semaines en altitude, ce qui adoucit nettement les températures.
Ce matin, il pleut petitement et chaudement. Zeph est parti dans les rues avec Karol comme assistant. Les enfants aiment beaucoup Santa Fe. Cela les change des parkings de station service en réserve Hopi où nous restons 3 heures pour que Zeph réalise ses portraits.

Gildas s’est régalé dans la piscine de l’hôtel du Gouvernor, des heures à faire le dauphin. Cela lui a fait beaucoup de bien.
Puis, nous sommes allés au Spanish Market qui déploie moult échoppes autour de la Place du gouverneur. De l’art espagnol du Nouveau Mexique, irrésistible, environ 80% de représentations religieuses réalisées par Sanchez, Gomez, et autres Rodrigo Jésus, des oeuvres d’un baroque totalement oublié en Europe, même que j’achèterais presque une de ces « reliques ». Un espace concert propose un harpiste et un guitariste spanish sur des musiques sud-américaines. Plus loin, une cantina où nous consommons jus de pastèque et maïs grillé au son des guitares classiques. Belle ambiance fête de village où tout le conté s’est précipité.
Changeons d’hôtel, Sage Inn, moins bien, moins cher, donc très bien.

Le 27 juillet
Le soleil tape sur Santa Fe depuis hier. Une belle brise le rend supportable.
Jogging au matin dans le quartier où se trouve notre motel « très bien pas trop cher ». Quartier très résidentiel, où les maisons sont cossues et les trottoirs larges, avec une rangée de plantes grasses qui nous sépare de la circulation des voitures.
J’ai réussi à négocier avec Zeph une journée de piscine avec les enfants. Elle est petite mais quel bonheur pour les enfants et j’y parfais mon teint avec Leaphorn.

Dans l’après midi, à l’arrivée des nuages bienvenus, nous partons vers le Spanish Market au cœur de Santa Fe, revoir les artistes repérés la vielle. Baroques s’il en est, spanish (espagnols ne convient pas), réalisant des créations luxuriantes à tendance catholiques fortement affichées. Nous tenterons une visite dans un atelier à Albuquerque avant de voler vers New York.
Autour d’un concert public ; une faune locale mélangée de badauds. Nous allons à la cantina manger des indian tacos et tortillas.
Là, nous rencontrons ce grand noir à la chaussure blanche.
Notre motel a le second avantage de se trouver à côté de Whole Food et enfin nous avons à proximité des fruits et salad bar permanent. Si ce n’est que Gildas se cache dans le supermarché et que je dois faire intervenir la sécurité pour le retrouver, talky walkies et tout, parfait pour passer inaperçu!
Le soir nous allons dans ce bar où il a un compte à rebours électrique pour les derniers jours de Georges Bush, excellent !
Concert Blues rock, les musiciens super. Le grand noir, venant de la Barbade, en pantalon blanc, chemise bleue, un brillant à chaque oreille et un stetson clair sur son crâne chauve, nommé Wetson, danse avec moi. Tous sont très libres et dansent échevelés, même gras, même en short, même vulgaires.

L’américain vit en short.
L’américain est libéré sur le plan vestimentaire. Type Indiana Jones, motard en chaps de cuir avec bandanas et autres colifichets en turquoise, avec franges, avec lanières, tatoué, percing, santiag brodées. Santiag et Stetson ont encore de belles heures devant eux. Certains sont habillés à l’espagnole, type conquistadors (pendant le Spanish Market) avec des femmes en robe volantée rouge, Olé!
L’américain fait ronfler son moteur bruyamment, soit en moto soit en voiture. Il prend de la place en taille, en poids et en véhicule.

L’américain n’aime pas l’actuelle parité euro/dollar.
L’américain est de toutes les couleurs, blanc, noir, chicano type Mexicain, pueblo (indien) avec des faux airs asiatiques (chinois ou japonais).
L’américain mange et boit partout, en se déplaçant.
L’américain boit de la bière et des sodas, surtout de la bière pour certains.

L’américain est gros. Même notre franchouillard dodu n’atteint jamais les proportions constatées outre-Atlantique. L’obèse semble toutefois moins fréquent à NYC que dans le reste des États-Unis.
L’américain est très chaleureux et accueillant, talkative ou parlable (comme dit la mère de Zack à son mari dans CRAZY). Ils nous entreprennent tous gentiment. Remarque, nous sommes les seuls français depuis le début du voyage. Texans, Californiens, mexicains, venant du Maryland, du Wisconsin, de l’Ihoa ou d’ailleurs, ils s’intéressent à notre quintet, nous donnent des conseils sur des spots à ne pas rater, nous aident, nous interrogent.

L’américain est pro-Obama ou bien, plus démonstratif que le Mac Cainiste. Des plaques à son effigie sont installées devant les maisons ou à l’arrière des voitures. À Santa-Fe, un compte à rebours dans la vitrine d’un café branché décompte les jours, heures et secondes restant à G. W. bush. Certains ne doutent pas de l’élection d’Obama, mais plus de sa capacité à rester en vie s’il est élu.

Le WASP (White Anglo-Saxon Protestant) a du souci à se faire. Il est en voie de disparition. Plus courant sur la côte Est, il n’est pas légion à l’Ouest. Toutes les langues se parlent. L’espagnol deviendrait-elle la première langue aux USA dans les années à venir? 10 000 mexicains passent la frontière chaque jour. Ils donnent, avec les Portoricains, des airs latins à la population.

Santa Fe le 28 juillet
Bel échauffement familial hier matin au départ vers Taos. Longuement parlé avec notre famille mexicaine vivant au Texas, consultation des cartes géographiques, échanges d’adresses mail et toute sortes de « take care », « drive safe ». Puis, achat au salad bar du Whole food. La pression est vite montée avec le désaccord sur les directions, les lectures de panneaux…Zeph et Karol disent que je veux tout contrôler, et simultanément ils me chargent grandement de la logistique du voyage. Tout s’est apaisé en longeant le Rio Grande au son de notre CD salvateur de la Motown qui fait l’unanimité. Le rio Grande est un des premiers lits de rivière que nous voyons remplis d’eau.
Nous passons Espagnola, puis sillonnons sur cette route de montagne (entre 6000 et 7000 pieds partout entre l’Arizona et le Nouveau Mexique). Le lit de la rivière est encaissé, profondément, il verdit un canyon sinueux sur des kilomètres de part et d’autre, des fermes et maisons type Far West, des chevaux indiens et des ovins. Nous traversons Taos (city) sans nous arrêter, jolie ville ancienne comme Santa Fe en plus petit avec des maisons en adobe dont la façade est agrémentée d’une pergola soutenue par des colonnes en bois, des patios arborés, et des boutiques partout. De nombreux touristes remplissent les rues stressant Zeph. Pas de vie locale, villageoise.
Nous roulons vers le village historique de Taos, géré par les indiens pueblos, qui font payer l’entrée de leur village (25$ pour notre tribu) et vendent poteries et bijoux. Ils portent les cheveux longs roulés sur la nuque et noués par un lien en textile clair, comme certains Navajos d’Arizona.
Après un tour rapide permettant la fameuse photo dansante en hommage a Matt Harding, nous roulons vers les Hot Springs d’Arroyo Hondo.

We never reached The Hot Springs. The concrete road turned into earth and became rough, passed a little wooden bridge, parked by the river.

When parking, Karol heard a little noise near the car wheels, one was getting flat. We quickly drove back to the post 3 miles back and saw that the two left wheels of the car got flat. Contacted Alamo rent a car and after few phone calls given by the shop owner, Alamo in Albuquerque sent a guy with a new vehicule.
So we waited there for 3 hours, at this old gaz station which does’nt sell gaz anymore, but beer.
In this no where place, Arroyo Hondo, a lot of people came by, to buy beer, chicanos who stayed here for hours drinking, workers buying some stuff, everybody stopped here and care about us.

Gildas a dansé dans les allées du mini shop et a lancé au caissier, gay selon Zeph, seulement WASP pour moi, « I’m a sex machine ». Estonish no?
Karol regarde CRAZY en chantant « Space Oditty » et en faisant de nouvelles expériences alimentaires faute d’être culinaires ou gastronomiques. Et il se met à lire ardemment, étonnant non ?

Et pour l’humour, ah, ah, ah.
Léopoldine est sous IPOD et s’isole en pensant à ses copines et en surveillant sa ligne.
Isabel se prononce ici avec un accent tonique sur le « a ». La plupart des gens sont plus à l’aise en espagnol qu’en anglais.

Et moi, je me déçois en anglais, et me débrouille en espagnol. Parfois, je suis fatiguée et ne comprend plus rien. Fucking sheet languages, I miss it.

Les enfants comprennent de mieux en mieux l’anglais sans pour autant oser parler, sauf Gildas qui n’est pas encore touché par la timidité adolescente.

Ils font leur compte de pays visités et de vols avion ; une bonne vingtaine pour les aînés et 15 pour Gildas. Une sorte de bilan pendant un temps mort.

Les indiens ou chicanos (tout comme les chinois quelques années plus tôt) disent a Zeph que je suis jolie. Il voudrait répondre « autant qu’elle est chiante » mais il ne sait pas le dire en anglais. Ca me sauve !
Chritopher Moreau came twice to see if we were fine.
And the guy from Alamo arrived with the new van.
Rentrés au soleil déclinant, sur la route de montagne magnifique, en longeant le Rio Grande.
Strange experience at this place Arroyo Hondo. We finally had fun.
Le 29 juillet, je compte les points, donne des notes, donne les départs pour Gildas à la piscine pour toutes sortes de nages, grenouille, dauphin, papillon et nage du castor qu’il dit ne pas très bien pratiquer par manque d’observation. Après notre journée voiture hier, jogging entre les maisons de Santa Fe (55mn, pas mal indeed par cette belle chaleur), activité hautement intellectuelle, puis sans culpabilité aucune, j’achève Leaphorn au bord de la piscine.
Ciel très bleu ce matin, idéal pour uniformiser le bronzage et rattraper les pelages successifs dus aux multiples promenades au soleil. Je dois absolument terminer mon épisode Leaphorn, western littérature, before flying to NYC. Trop à l’Est pour lire Hillermann. Il me tarde cependant de rencontrer Jim Chee.

Mais j’aspire replonger chez Karen Blixen, boire à nouveau le thé dans la porcelaine plutôt que dans des verres cartonnés avec un couvercle…
Journée repos bord de piscine où Zeph…Lui même…a failli s’adonner aux joies de son practice de cornemuse!!! Mais non, il n’a pas cédé, a pris son sac et arpenté les rue en quête d’image.
Retour au centre de Santa Fe, sur la place du village, très latine, avec un concert jazz drainant une population étonnante de cow-boys et cow-boyesses, de hippies, de chicanos, latinos et indios, dansant délirants, tellement décomplexés serait la juste expression, et je parle en connaisseuse.
Peace and love
Albuquerque, old town hispanique fondée en 170.. quelque chose. Les maisons sont en adobe avec des pergolas, des patios et des fontaines. Nos déjeunons d’indian nachos épicés dans une très jolie catina aménagée dans une ancienne maison privée. Les belles, grosses cheminées nous donnent l’impression de figurer dans une scène de Zorro. Un énorme tronc d’arbre traverse la salle de restaurant. Ses feuilles sont au-dessus du toit : ancien patio sans doute couvert tardivement.

« A la tarde », le kiosque de la place centrale est agrémenté d’une banda locale spanish qui a donné un concert à cordes et à voix. L’homme était rondelet, teint cuivré, grosse moustache grisonnante avec une tresse descendant entre ses épaules, pantalon noir et chaussures pointues, et pour la chemise, un souvenir de jabot sur le torse, une guitare au bout des doigts. Pas de doute un chicano.

31 juillet, Le grand aigle de fer vient de se poser. Plus rien à voir avec les croyances Navajos désormais. Nous sommes passés à l’Est, grâce au miracle aéronautique qui nous a transportés d’Albuquerque à Newark en 3h40 de vol et 3 h de décalage horaire, avec Karol accroché à mon bras pendant toute la durée du vol par peur d’être malade. Dieu que je hais l’avion, excepté l’atterrissage qui nous octroie pendant quelques minutes un sentiment de domination, l’impression d’être Dieu.

Il est 5h23 du matin et le taxi nous conduit à Manhattan pour 85$ plus tip. Les taxis noirs sont souvent francophones parce qu’africains plutôt qu’américains.

Notre auberge à Harlem nous a tout de suite paru dégueulasse. Le quartier est toutefois agréable avec ses maisons « vieille Angleterre » à la Bostonienne ou type Greenwich Village, en cours de restauration.

Nous errons dans le quartier, dans le petit parc à côté où toute une jeunesse noire joue au basket, fait des pompes et toutes sortes d’activités sportives.

Gros avantage ; nous sommes à moins de 10 minutes à pied du Nord de Central Park.

Gros avantage ; nous sommes à 5 minutes à pied de l’arrêt 116 str du métro et des lignes 2 et 3.

Gros avantage ; le dit métro nous dépose directement à la 42 str ou à la 34 str en 10 minutes.

Gros avantage, le bus M7 nous ramène de downtown par la 6è, Park avenue, Amsterdam et Lenox, jusque devant notre logis.

Zeph est odieux depuis notre arrivée. Notre logis est malheureusement inconfortable et sale. Cette maison ancienne aurait tout pour être magnifique : une cage d’escalier élancée et élégante, des plafonds hauts, de hautes fenêtres à guillotine. Chaque ouverture s’offre un encadrement de boiseries moulurées. Mais voilà, c’est délabré comme notre logeuse. Et rien d’autre n’a été libre pour 5 personnes en août à Manhattan. NYC grouille, tout est cher, Zeph n’aime pas, me fatigue et m’emmerde. Il commence à gâcher le précieux séjour tant attendu par les enfants dans cette magnifique cité.

Le métro à la 116st nous descend directement à Wall street. Notre troupe se faufile entre les costumes cravates et les touristes en short jusqu’à Ground Zero, Chinatown, l’enclave de Little Italy et le nord de Soho. Les enfants boivent des Smoothies et je me délecte d’un très chimique ice cream sandwich à la vanille. Tout en grommelant, Zeph entre au B N’ H pour acheter des films et s’apaise momentanément. Servi par quelque lubavitch, livré par quelque chariot suspendu à son rail, dans le temple du matériel photo et hifi à prix cassé, il respire.

Les enfants écarquillent les yeux le long de la 42 str et en croisant Broadway.

Ils se repèrent très vite dans Manhattan. Ils ont étudié la carte et bien compris le principe des rues, ce que Zeph a refusé de faire.

Le 2 août, À 10 h du matin sur les marches du Met. Tous les participants conviés étaient au rendez-vous.

Soledad et sa famille, Dan Sellers et sa famille. Cet essaim pluri-générationnel s’est déplacé en conversations croisées dans les allées de Central Park. L’orage a provoqué un repli vers les collections du Metropolitan (Best off Norman Rockwell). Le Met propose entre autre de superbes Modigliani, Et les iris et Les tournesols de Van Gogh ainsi que son portrait de femme sur fond jaune. Une bricole !

Nous parcourons les grandes salles de la National Library, la bibliothèque historique de New York et faisons la pause dans le square au pied du Flat Iron building.

Harlem, Lenox et 122 str, le 3 août, Le soleil pénètre loin ce matin à l’intérieur de notre dortoir pouilleux, néanmoins endormi.

Les cloches du dimanche matin entament leurs carillons.

Tout Harlem est endimanché, rasé de près, coiffé tressé, ganté de blanc, cravaté, chapeauté. À chaque bloc son église, parfois plusieurs ; baptistes, méthodistes, pentecôtistes.

« Black people first ». Sur la 132st, Nous sommes priés de circuler par les gardiens noirs de la très courue Abyssinian Church. Les noirs d’abord, les premiers blancs de la file entreront, pas nous. Une chance.

Nous sommes finalement accueillis dans une petite église Pentecôtiste. Un homme en costume bleu marine et une femme en robe blanche avec dentelle assortie sur la tête, tous deux d’un âge respectable et gantés de blanc, nous font asseoir sur les bancs. Les familles arrivent, le gospel commence. Une chanteuse accompagnée par un chœur animent des fidèles qui lèvent les bras, applaudissent, dansent. La batterie et l’orgue sont placés à côté de l’autel. Des femmes en tailleur blanc et voilet mènent la cérémonie. Les fidèles vont et viennent, clament foi et remercient Dieu. Le prêtre arrive avec son staff et se lance dans un prêche virulent. Il harangue son auditoire à la manière d’un homme politique, il s’agite, descend au milieu de l’assemblée, qui se lève, lui répond et applaudit.

Nous sommes conviés dans l’annexe pour quelque home made pastry dominicale. En sortant, j’achète mon badge Pro Obama.

Après quelques poissons frits achetés sur la 116st, mangés sur l’herbe à Central Park, nous avons rejoint Marsy au MOMA. Passé devant le Carnagie Hall avant de monter dîner d’une salade sur le roof garden au 51è étage à Columbus circle.

Le soleil s’est couché sur l’Hudson River devant nos yeux éblouis. Gildas en a profité pour exécuter son deuxième Sintao, et moi pour faire une petite danse ridicule en l’honneur de Matt Harding. D’en haut, nous avons senti la nuit descendre sur Columbus Circle et sur Central Park. New York est à nos pieds. Au niveau du sol, au cœur de Central Park, des groupes de percussions, free style, font danser des centaines de personnes libres et amusées. Wouah.

Harlem, 7h du matin. Le soleil monte et commence à éclairer notre côté sur Lenox tandis que l’église d’en face est encore à l’ombre. Je bois mon thé en regardant la rue depuis la très haute fenêtre à guillotine juste devant l’escalier de secours extérieur, en métal usé. Devant moi, le panneau W 122 st et Lenox avenue, MalcomX Blv. Un livreur décharge son camion vers le grocery store d’en face. Les premiers passants circulent. Harlem s’éveille. À l’heure où je descends, Central Park est doux et frais comparé à la fournaise des rues de downtown. À chaque petite foulée, un courant d’air me rafraîchit les côtes. L’odeur est délicieuse, précisément près des greens de baseball fraîchement tondus et arrosés. Les rochers, très présents dans le parc, attestent que Manhattan est un rocher qu’il a fallu dynamiter pour bâtir. Tout Manhattan galope autour de moi dans North wood. Des vélos, des rollers, joggers, marcheurs, dans tous les sens et à toutes les allures, les new yorkais s’agitent. Je trottine, longeant les petits lacs, arpentant les collinettes, ici la piscine, les terrains de base-ball, là les tennis. Avec des écouteurs sur les oreilles, téléphone portable sur les reins, engagés dans des conversations animées, donnant des coups de poings dans l’air à la façon d’un boxeur, roulant une poussette ou fast-walkant, même brinquebalant. Une gazelle bambara, noire, très noire m’enrhume, un guerrier zoulou, noir, moins noir, gonflé à l’hélium arbore des tatouages sur tous le corps, un bavarois (encore ! c’est un gabarit) me croise, des hispaniques ou portoricains râblés, un couple de chinois chapeautés, grisonnant et silencieux.

Et hop, j’en ai doublé un. D’ordinaire, tous me doublent, même les vieux gros et grisonnants.

Et puis, il y a les promeneurs de chiens, chihuahua ou autre chien de poche, ou de type molosse ; danois, pitbull, bobtail tondus à cause de la chaleur estivale. Tous se regroupent sur une pelouse, un petit sac à la main et conversent pendant que s’ébattent les quadrupèdes. Une petite dame délicate en cheveux blancs promène son bâtard ayant eu des ancêtres caniches et son petit sac de déjection. Pour certains, le chien est un outil de séduction, mais le plus souvent, il rend son maître ridicule lorsqu’il s’arque boute au-dessus du caniveau ou lève la patte, ou pire, lorsqu’il chevauche une femelle.

Toujours gentiment courant, et par inadvertance, je longe le réservoir, le plus grand lac de Central Park. Un ancien rocher sans doute, nous place en hauteur, et autour se déploie Manhattan, dans une vision urbaine claire et limpide. Depuis la berge Nord, le regard embrasse sur la gauche les immeubles de la 5è avenue. Les façades sont encore dans l’ombre de ce côté-ci. Le toit conique du Guggenheim passe au-dessus des arbres. Droit devant, dowtown, fière et verticale, hautement découpée sur le ciel bleu. Les pointes du Chrysler building et de l’Empire apparaissent de taille égale depuis ce point de vue.

Le Norman Foster building marque Colombus Circle sur la droite.

Sur Central Park West, les façades sont déjà totalement ensoleillées.

L’après midi se déroule à Coney Island, entre hot dog, manèges, vendeurs de Corona et de junk food, familles bigarrées et baignades. La plage historique de New York a encore de belles heures devant elle (si ce n’est les sacs plastiques qui volent).

Soirée hamburger 50th chez Denis Rocket sur 56st et 3è avenue.

La nuit tombe, Harlem se calme. J’observe la rue qui a ralenti jusqu’à atteindre son rythme nocturne. Il fait chaud. Je fume une cigarette le soir à la fenêtre de notre horrible pseudo-cuisine, juste sous l’escalier de secours en métal. Il fait nuit.

11h, ouverture de l’immense piscine gratuite de Central Park Nord. Après les bébés-nageurs du matin, j’achète le cadenas indispensable sésame 5$ au Central Park Deli. Et nous voici enfin dans l’eau. Six maîtres nageurs orange, sous des parasols orange avec des maillots orange, surveillent du haut de leur chaise haute. La capacité de cette immense piscine circulaire où l’on a pied partout est de 1824 baigneurs et de 1155 personnes sur le deck. Gildas se prélasse et savoure nos dernières heures à Manhattan.

Portraits de Jean-Marie Cras, Photographe : http://www.jeanmariecras.com/

Le 9 août

Paris semble du velours comparée à New York. De la mesure ! Même La Défense a des airs de petite fille par rapport à Manhattan. Les trains glissent proprement, fiables et ponctuels. Les métros sont silencieux et fréquents. Les immeubles sont familiers, à taille humaine, si raisonnables. Tout est plus feutré. Le temps est clément, il fait doux, à peine beau. Pas d’air conditionné glacial chaque fois que l’on pénètre dans une rame ou un bâtiment.

Quelques tags et tatouages, mais pas de surfaces entièrement bariolée ou d’épiderme totalement recouvert de fresque.

Valognes, je cours dans les chemins. Après notre vol transatlantique, nous avons comaté dangereusement en roulant vers le bocage Cotentinois. Plus aucune goutte de transpiration ne roule entre nos omoplates jusqu’au bas du dos, l’air est frais.

Sœur Anne nous attend à l’Abbaye, fidèle et petite et calme. La Paix est ici sans aucun doute.

En longeant le haut mur d’enceinte du couvent, on arrive au petit pont qui enjambe le Merderet. La petite route caillouteuse des pèlerins d’antan mène à la chapelle de La Victoire. Le vent me porte, le vent m’emporte, non plus le léger frôlement d’air comme à Central Park, mais un bon vent continu qui ébouriffe les arbres de la voûte ombrageuse. Chaque branche de saule, chaque muret de pierre, chaque chemin, chaque caillou est à sa place. La paix, ma paix, mon père. Les cloches sonnent et mes sœurs prient depuis les matines à la cinquième prière du soir. « Cantare amantis es ». Les petites voix douces et fluettes des sœurs sont englouties dans la pénombre fraîche de la chapelle. Une bougie tremblote devant la Grande Vierge Marie en bois.

Le dimanche soir, ce sont les trappistes de Bricquebec qui chantent les louanges à Marie, à huit heures, pour le Salve Régina. Leurs arrivées progressives dans la chapelle forment une chorégraphie ancestrale parfaitement réglée et silencieuse. La lumière s’allume et les aubes blanches arrivent. Les manches descendant jusqu’au niveau des genoux, dans un balancement fluide et un léger bruit d’étoffe. Arrivés à leur stèle, chacun d’eux lève les bras avec des petites secousses pour faire glisser leurs trop longues manches le long de leurs poignets et libérer enfin ces mains cachées et contrariées. Souvenir de quelque interdiction ou chasteté. L’abbé Travers domine de sa haute taille et de sa voix grave. Et beaux sont les chants. Et paisible est mon esprit.

Le vent souffle entre Hattainville et Valognes. Les enfants sont joyeux. Le temps est au cousinage et aux retrouvailles ; tables dressées de vingt couverts, araignées de mer, gigots, Paris-brest. Un grouillement d’allées et venues dans la cuisine, à table, au vélo, au jogging, au golf et à la plage. De l’énergie à l’état pur.

La nuit est tombée sur le parc de l’Abbaye. Le dortoir est envahi. Quelques fenêtres du couvent sont encore éclairées. Les nuages passent rapidement dans le ciel faisant clignoter les étoiles et animant le claire-de-lune. Et ce vent qui froisse les chênes et balance le saule.

Sur les marches de la cuisine, je suis assise. L’extrémité de ma cigarette rougit à chaque aspiration. Bientôt dans le dortoir, les jeux, les rires, les câlins, les colères ressortiront dans de petits grognements nocturnes de tous ces enfants – marmottes – couchés en rang d’oignon dans des duvets ou couettes multicolores.

La paix est ici.

 


2 commentaires »

  1. mark lymer dit :

    thx for posting. i got the idea, overall. you had to re-type it all, right? it’s been quite a while, sigh. have a wonderful holidays – all your guys! will be picking mistletoe in Jerome Dec 15. looks like snow up there this next weekend! -m

    *sent link to my niece ‘KT’. she studied French in college at Western Washington University. so if ever visiting Seattle area, will hook you up with her as a guide.

  2. isa dit :

    Thanks Mark. Happy mistletoe !

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