Venise, feuille de route novembre 2016
0novembre 5, 2016 par Isabelle
5 novembre :
Après deux jours de grand beau temps sur la sérénissime, la pluie arrive et l’eau monte. Je pressens une aqua alta si cela continue. Comme je l’ai déjà dit, la pluie a des grandes vertus ; elle oblige à travailler ceux qui viennent pour écrire (si vous voyez ce que je veux dire), et surtout, elle vide Venise des groupe de coréens aux sur-bottes en plastique multicolore. Et hop, exit ! Plouf.
La pluie vide les ruelles, les ponts, lustre les dalles de marbre sur lesquelles brillent tous les reverbères.
En se perdant au hasard ;
– on trouve le musée d’histoire navale, à l’Arsenal, qui regroupe des bateaux anciens et gondoles de tourtes sortes, eh oui, dans un bâtiment remarquable.
– en entre dans des pavillons délocalisés et gratuits de la Biennale d’architecture
– on tombe sur la casa dei libri, une sorte de caverne d’Ali baba du livre ou les murs sont des piles de livres, les escaliers sont en livres, des ouvrages sont entassés dans des barques désaffectées….
– on tombe sur le palais Grimani entièrement restauré, sols de marbre, plafonds à caissons peints, plafond décoré d’une voûte arborée, restes de fresques, vitraux sur le canal…Du bien beau.
– on cherche toujours à atteindre la Chiesa Santa Maria Gloriosa dei Frari…. Alors on marche sur des ponts, des petits ponts, toujours des petits pont, c’est le pompom et c’est mignon…Et on entre dans toutes les églises après avoir passé le Rialto, et ça carillonne de partout, et on trempe ses doigts dans tous les bénitiers et on se signe mille fois (Santa Madonna), où est donc passé la chiesa dei Frari ? Je dois être bien bénite avec tous ces « Au nom du père, du fils et du Saint esprit ». Du coup, je suis sur les genoux. J’ai même trouvé un Tintoret dans l’église San Sylvestro (pensé à toi Sylvestre). Et enfin la voilà, l’immense basilique dont je fais le tour complet – sur les genoux vous dis-je – avant d’en trouver l’entrée – charmante au demeurant – face au canal. Gigantesque campanile de briques rouges qui surplombe la sérénissime et donne écho celui de la place St Marc. Ils s’y sont tous donné rendez-vous, les Donatello, Vivarini, Bellini et Titien, une vraie beauté. J’ai envie d’embarquer sous le manteau une petite vierge à l’enfant en marbre, toute seule sur son promontoire…Mais non, je rigole. C’est un Paolo Veneziano en format demi lune, dans une chapelle adjacente, qui a ma faveur, une vierge à l’enfant radieuse sur fond or avec sa longue robe bleue ornée de motifs dorés également, des anges un peu rigides, un peu coincés, qui marquent la demi-lune. Ouvre datée de 1339, respect le Paolo !
Constat :
– les arancini sont difficiles à trouver et 10 fois moins bon que ceux dont on s’était régalé en Sicile (il y a 30 ans certes)
– les pâtes beaucoup moins bonnes que celles concoctées par Véra au Clos des colombes qui sont les meilleures du monde.
– les frittura mixta ; crevettes douteuses
– les soupes; trop aquatiques pour mon goût
Conclusion ; à Venise, je confirme que je bois mieux que je ne mange. Le prosecco est bon, le Moscato est doux et délicieux, comme l’aime certaines dont je tairai le nom.
Exception pour le chocolat chaud chantilly du Florian qui est hors compétition, certes à 12, 50 euros (je me gâte) mais qui vaut tous les détours du monde.
PS : je ne fais aucune photo car tous les autres s’en chargent.
PS : je me remets au boulot car j’ai un bouquin à écrire moi 🙂
6 novembre, 21h
La pluie a enfin cessé et l’aqua alta annoncée a même dépassé les bornes. Une très important hauteur d’eau a recouvert tout le centre et St Marc, les canaux ont débordé et les gondoles ont presque été déposées sur le quai. Mais la vague s’est retirée, et l’autre vague est revenue, la vague asiate…Je plaisante, mais ils sont revenus en force, faisant des selfies de la mort avec leur perches insensées.
Venise faisait grise mine jusqu’à 17H, puis il y a eu un trou de lumière. Le rayon a éclairé d’un seul coup les crêtes des édifices, restituant pour chacun leur extrême beauté, les briques rouges du campanile sont devenues éclatantes, les frontons du Duomo se sont parés d’or et les parois des Doges sont devenues roses. Venise en majesté!
En quittant le centre, on erre facilement jusqu’à des goulottes non fréquentées, mais c’est impossible d’expliquer par où on est passé, d’autant qu’on fait des boucles en repassant au même endroit plusieurs fois. Mais sans montre et sans plan, cela importe peu.
Venise ; quelques merveilleux jardins enclavés entre les palais, des poissons nagent dans les canaux, un rat frétille sur le quai, une odeur peu recommandable flotte suite à l’aqua alta…Un paquebot passe lentement dans la lagune et parade autour de l’île de la Salute – eh oui, ils n’ont pas interdit ces navigations dévastatrices-. Il fait nuit noire, les gondoles clapotent joyeusement, toutes alignées les unes contre les autres, les petits bateaux sont rangés bien gentiment chaque soir et recouverts de leur bâche. C’est la petite vie du quartier.
Venise, environ 58 000 dans le centre historique. La minorité la plus importante à travailler sur l’île est chinoise, ils détiennent une grande partie des boutiques de souvenirs. Viennent ensuite les Russes, puis les Moldaves, plutôt dans le bâtiment. Ensuite ce sont les Bengalis (10 000) qui occupent les postes hôtellerie restauration, puis les Philippins. Intéressant non?
Bacci
7 novembre
Torcello, j’avais déjà écrit l’an dernier à quel point j’étais fascinée. Je confirme. Une traversée de lagune ensoleillée pour poser le pied sur cette île désertée, déconstruite excepté sa basilique incomparable. Il y fait plus frais et plus humide qu’à Venise car il n’y a quasiment plus de bâtiments, plus que des champs et des marais. Torcello, première île habitée de la lagune, peuplée par les vénètes entre le VI et le XI è siècle (10 000 habitants) a abrité le siège épiscopal. A partir du XII è siècle, ensablement, malaria, l’évéché s’est déplacé à Murano, puis à Venise. Tous les matériaux et marbre de Torcello ont servi à bâtir Venise.
A part les derniers 11 résidents de l’île, je suis la dernière à marcher sur le quai. Une belle ouverture orangée descend à l’ouest sur le petit canal central, juste derrière le pont du diable (ponte dei diavolo), un des rare pont sans rembarde. Plus un bruit, plus un remous à la surface de l’eau, juste un poisson qui jaillit. Le vaporetto nous remène à Burano, pour reprendre la ligne 12 pour Venise. La horde est déjà rentrée.
Alors, si vous êtes invités à une fête à Burano, prenez votre pyjama, le dernier vaporetto est à minuit et c’est à presque une heure de bateau. C’est comme d’Asnières à Antony, sauf que c’est sur l’eau.
La nuit est tombée et on navigue de nuit au milieu des bateaux fantômes et des pylônes qui marque le chenal à suivre. Il y a des bancs de sable et des hauts fonds partout.
Venise s’est vidée, on voit que le week end est terminé. Moins de monde, moins de bruit, tout devient plus doux.
Les serveurs Bengali ou Philippins sont plus souriants que les serveurs italiens, qui ne sont au fond rien de plus que des serveurs Parisiens gomminés.
Flash info : le taux de fécondité en Italie est un des plus bas du monde ; 1, 37. Et si les arrivées à Lampedusa était une manne pour maintenir le pays avant qu’il n’y ai plus personne, ou que des personnes âgées….
Ps : j’ai des ampoules aux pieds
PS : si quelqu’un connaît une photo de Venise originale, unique, je suis preneuse.
Vive le Moscato!
Le 8 novembre
Soleil pour la grande marche tout le long du LIdo, vaporetto 1 et 18 km de marche, en passant devant l’hôtel des bains cher à mon coeur, le décor de « Mort à Venise » de Thomas Mann, réalisé en film par Visconti. Toujours fermé et en travaux, mais toujours en majesté au coeur de sa pinède. Un bon rythme pour cette longue marche de plus de 3h.
Alors oui, j’ai mal au dos, et aussi aux hanches, aux genoux, aux pieds, mais que c’est beau de longer l’Adriatique et bon de boire une limonade après. Retour de nuit en vaporetto sur une lagune agitée par un vent froid.
Venise s’est vidée et je suis lessivée. Les éclairages illuminent les îles d’en face, l’eau frise sur les canaux et la fraîche attaque la nuit. A peine quelques passants dans les rues, deux ivrognes, un chanteur qui s’accompagne à la guitare dans un restaurant ; Venise s’endort doucement dans l’hiver.
Ah au fait, j’ai croisé les Beatles sauf qu’ils étaient 5, jeunes anglais cravatés en veste bleu marine ; Etonnant non ? Etoning, no ? Estonich nein ?
Le 9 novembre
L’hôtel Corte Contarina est adjacent à la Via Garibaldi, juste à l’entrée du Giardini. Je dors sous un plafond de poutres apparentes pour environ 100 euros la nuit petit déjeuner inclus. Y travaillent 4 Italiens, 2 Bengali, 1 Philippine et 1 Moldave. Il y fait très chaud et, oh plaisir, tous les miroirs sont amincissants.
Le quartier est calme entre le cri des mouettes et le chant des oiseaux. L’arrêt du vaporetto Giardini est à 3 minutes, l’accès au Lido est rapide. Giardini, le seul parc de Venise, permet des longues marches agréables sous les arbres et le long du canal, dans des quartiers vide d’un quelconque tourisme (Cf carnet de voyage 2015 – le linge des gens-). Dans la via Garibaldi, il y a un marché de fruits et légumes, une supérette Coop, des restaurants. L’Arsenal est juste à côté et la place St Marc à 15 minutes à pied.
Agréable, les ouvreurs des vaporetto aident les gens à monter sur le bateau en leur donnant la main, c’est aimable. Et les responsables de wagon dans le Thello (train de nuit retour) sont très aidants, portent la valise, ont un regard bienveillant et souriant.
Février à Venise
Santa Lucia émerge dans les vapeurs de l’aube.
Venise est suspendue entre eau et nue,
Le cimetière Saint-Michel, dans son recueillement.
Couve ses corps de pierres.
La lagune laiteuse ne les dévoile qu’à peine ;
Frissonnante elle s’éveille, la cité incertaine.
Les brumes lèchent l’onde au clapot lancinant,
Et s’accrochent aux balcons des palais indolents.
Étourdies de non-nuit et de mille chandelles,
Des hordes de badauds se pressent dans les venelles,
ils arpentent les quais et guettent les coupe-gorge,
Cherchant un amour fou à l’ombre des grands porches,
Sous les frontons lépreux des palais mystérieux.
Car entre les hauts murs et les dalles de marbre,
Une vieille âme perdure ; celle de Casanova.
Et lorsque la nuit tombe, les secrets ressurgissent,
Marquis et morts vivants reviennent du passé,
Hanter nos chasses folles et drôles de farandoles.
Les masques et les voiles serpentent dans la nuit,
La foule nous affranchit.
Le Florian étincelle comme une pépite d’or.
La cohue est dehors,
La place est inondée et les pianos muets.
Puis, dans le matin bleu, une duchesse froissée,
Poursuit quelques pigeons,
Chevauche une gondole accostée au ponton.
Des gloussements, des rires résonnent sur les marches,
Jusqu’au petit matin, les fantômes jouent des farces.
Mais, déjà le wagon silencieux glisse
Sur ses rails flottants au-dessus de l’eau grise.
Une plaque d’argent engloutit les palais dans leurs rêves d’opale.
(Extrait recueil de poésies Je te le dis, Isabelle Bois)
Catégorie Carnets de voyages | Mots-clés: 2017, Chiesa dei Frari, feuille de route, Florian, novembre, Paolo Veneziano, Venise
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