Histoire en construction sous forme de cadavre exquis. Ajoutez votre contribution dans la rubrique commentaire.

Les amants de Querqueville…

Te souviens-tu Antoine, du chemin des douaniers sur lequel nous nous sommes croisés un jour brumeux de 2005 ? J’arrivais de Landemer, et toi, tu marchais  d’un pas décidé en direction de la Hague. L’étroitesse du petit pont juste en haut de la mer et des rochers, nous avais obligés à nous frôler.

Ce voyage de noces sur les chemins de notre rencontre est un délice que je voudrais revivre chaque jour…Ta main dans la mienne, je sentais ton alliance flotter autour de ton doigt… Je t’avais bien dit en te la passant au doigt que je la trouvais trop grande… Cela t’avait fait rire. Tu disais que tu voyais tout en grand depuis notre rencontre.

En juin 2019, après qu’Antoine lui eut posé un lapin pour leur 3ème séance de thérapie conjugale, Stéphanie, entre deux sanglots, jeta son alliance dans les toilettes…Deux mois plus tard, Antoine mettait soigneusement la sienne dans un kleenex plié en quatre dans la poche arrière de son vieux Lewis, qu’il jeta dans la commode de sa chambre d’enfant dans le Cotentin.

Stéphanie, comme beaucoup de monde, avait de plus en plus de difficultés à s’endormir avec le confinement. Les souvenirs d’Antoine affluaient souvent sur le coup des 5 H du matin: la chaleur de son corps collé au sien après l’amour, attentif…son rire noir et heureux d’enfant retrouvé… Ce jeudi d’avril 2020, Stéphanie remarqua que l’ombre bleue laissée par son alliance se creusait..

Pourquoi avais je tenu à te faire découvrir ce coin que j adorais, cette plage du Cotentin qui pour moi représentait le paradis, à toi qui n’ aimait que la Méditerranée !
J’essayais une fois de plus de te te faire entrer dans mon monde, ma vie, mon enfance. Eh bien, quelle mauvaise idée après un dîner morose en tête à tête tu as retiré ostensiblement ton alliance passée à ton doigt deux ans avant et tu l’as laissée glisser dans le sable en me disant « eh bien, reste mariée avec ton pays »!

Pourtant, entre toi et mon beau Cotentin, baigné entre mer et marais, je n’aurais pas hésité. Je t’aurais suivie au bout du monde, et même plus loin encore. Mais tu n’as pas compris ou tu n’as pas voulu comprendre. Est-ce par lassitude, un besoin d’ailleurs, une envie d’autre chose, nos chemins après s’être croisés, se sont séparés. Ta main à lâché la mienne et nos alliances, symbole de notre amour, ont perdu tout leur sens.

Nous nous sommes retrouvés sur cette plage du Cotentin une belle soirée d’été. Tu m’avais caché que tu étais marié et avait camouflé l’anneau à ton doigt qui te dénonçait. Tu as profité d’un moment où je contemplais la mer pour l’ôter furtivement et la mettre dans ta poche. Enfin, c’est ce que tu croyais car tu ne t’étais pas rendu compte que dans ta précipitation, elle était tombée à côté dans le sable. Quand je vis, le lendemain, une petite annonce sur les réseaux sociaux postée par la personne qui l’avait retrouvé en mentionnant le lieu exact, je compris tout de suite la supercherie. Je contactais la personne pour lui donner ton numéro à rappeler de ma part. Je n’eus plus jamais de tes nouvelles.

Un matin, me promenant sur la plage, j’aperçu un couple, les pieds dans l’eau, main dans la main, riant à plein poumons et s’embrassant. Des souvenirs jaillirent de ma mémoire. Nous deux, heureux lors de vacances dans ce Cotentin que je rêvais de te faire découvrir. Je m’approchais, un peu, un peu plus… Cette voix, ce rire… Non, je ne me trompais pas. C’était toi sur cette plage avec cette femme. Cette femme, sa voix, son rire. J’hallucine me dis-je. C’est moi !

Août 2005, août 2018. Nous avons mis treize ans, treize ans à nous décider depuis notre première rencontre, ce frôlement furtif, ces mots clichés échangés sur le paysage normand et la banalité d’une situation qui avait fait ressortir l’intensité des idylles naissantes.
Pourquoi autant de temps alors que c’était une évidence ? Nous revenions tous les deux d’une histoire déchirante et nous avions convenu de ne pas nous emballer, peut-être n’avions-nous été qu’envoûtés par le charme sauvage de la presqu’île.
Difficile aussi de s’emballer quand un Francilien de Seine-et-Marne tombe amoureux d’une habitante de Coutances.

La trouvaille de cette alliance trop grande, échappée de ton doigt, nourrit mon imaginaire depuis qu’un promeneur a fait savoir l’avoir retrouvée. Que le hasard s’en est mêlé en le rapportant à ma connaissance. Par la force des choses, je devais le savoir. Troublant, très troublant. Je ne peux l’ignorer.
« Pourquoi s’est-elle retrouvée ici ? Pourquoi sur notre plage, là, où tout avait commencé ? Antoine, est-ce un signe que tu m’envoies ? Où es tu ? »
Après renoncement, je n’aurais jamais cru qu’autant de souffrances m’assaillent.
« Et si tout n’était pas fini finalement ? L’avais-tu jeté juste après notre séparation ? L’avais-tu conservée jusqu’à il y a peu ?  »
L’horreur absolue m’envahit.
« Et si tu m’avais encore aimé après ? En secret. Après que nous soit fini… »

He dormido fatal. Desperté varias veces con el malestar de las pesadillas. En la niebla del amanecer, cuando se dibuja la raya que separa la realidad de los sueños, cuando se disipa la angustia de la noche comprendí que había vuelto a soñar contigo y con la playa. Volvimos a querernos y a separarnos y a reencontrarnos en ese ciclo interminable de mis noches. Ese perderte y recuperarte que se ha convertido en una constante en los últimos meses.
En la mesilla de noche, en la bandeja donde dejabas tu reloj al acostarte, tu anillo permanece sin propietario, sin más sentido que recordarme mi soledad.

Après maintes et maintes réflexions, un doute m’envahit soudain. Et si ce n’était pas la tienne ? Et si cette alliance, certes identique, appartenait à quelqu’un d’autre ? Après tout, c’était possible : cette alliance n’était pas être la seule à avoir été vendue cette année là. Pourquoi cette obsession de toujours penser à toi et de croire que tu me reviendras ? C’était peut-être un signe pour que je comprenne enfin que notre histoire était belle et bien terminée. Si cette alliance était bien la tienne, alors elle avait dû se perdre sur ce chemin comme notre amour à tout jamais. Les larmes aux yeux, je décidai de t’oublier et de passer à autre chose.
Mais un soir, le téléphone sonna et c’était toi.

On continue ?

Mais quelle idée de porter une alliance et d’accorder de l’importance à ce bijou si ordinaire ? Bien sûr nos aïeules avaient apprécié de se voir passer la bague au doigt, et certaines, au début du 20ème siècle, souhaitaient être enterrées avec. Cela fit d’ailleurs longtemps le bonheur des pilleurs de tombes …Mais les maris, du moins ceux qui pratiquaient des métiers manuels, ne portaient pas longtemps leur alliance. Elles auraient été abîmées par les travaux et auraient pu représenter un danger en s’accrochant à quelque machine ou quelque aspérité. Sans compter que l’âge avançant, les hommes grossissaient souvent et les anneaux, devenus trop étroits, finissaient sciés par un bijoutier qui récupérait l’or à bon compte!
Mais la mode et le marketing récupèrent tout et les jeunes mariés d’aujourd’hui ont à coeur d’échanger de jolis anneaux.
Un amour solide et durable n’aurait-il pas valu toutes les alliances du monde ?
Tirée de ces pensées, je saisis le téléphone. J’étais prête à entendre ce que tu semblais disposé à m’avouer.

« _Nous en sommes là, voici mon rapport préliminaire avec tous les scénarios possibles qu’elle a pu s’imaginer. En effet, depuis ce post, sur Twitter, mentionnant la trouvaille de ce qu’elle considérait comme le gage d’un amour éternel, elle a subit une rupture avec la réalité. Elle ne se souvient plus ce qu’il s’est exactement passé cette nuit là, sur cette plage de Querqueville. Lorsque vos collègues des forces de l’ordre nous l’ont amené, la semaine dernière, en état léthargique, nous ne pensions pas que son état était si grave.
Pour elle, Antoine l’a quitté, c’est son alliance à lui, mais en même temps, elle pense possible que ce soit la sienne. Les prochaines consultations nous en dirons peut-être plus et des moments de lucidité nous permettrons peut-être d’en apprendre plus sur la disparition d’Antoine. Bonne continuation Inspecteur… »

Je raccroche le téléphone incapable de lui dire que ce brouhaha intensif dans l’esprit de la jeune femme ne s’arrêtera peut-être jamais. Je griffonne le traitement sur une ordonnance pour que l’infirmière la transmette à la pharmacie de l’hôpital. Ensuite, je me lève vers la bibliothèque et range là carnet que je ressortirai tôt ou tard pour y noter les maux et les mots de ma patiente…

Vu le coefficient de la marée, la vague ne devrait pas remonter si haut sur le sable ! J’y retourne demain à la première heure, avant que la maisonnée ne se réveille, se dit Antoine au beau milieu de la nuit. Tout en palpant le petit espace vide laissé à son annulaire gauche, il est convaincu qu’il va la retrouver, il la retrouve à chaque fois. C’est simplement une mise à l’épreuve, une de plus.

La lumière bleue baigne la chambre. Stéphanie respire doucement à côté, nimbée du sommeil du juste. Elle ne s’en est pas encore aperçu. Le mieux est de rester discret jusqu’au moment ou je replacerai l’alliance à mon doigt, pense-t-il, pour se rassurer. Il paraît que lorsqu’on perd une bague, un bijou, dans la mer ou bien dans le sable, il ne faut pas bouger et chercher sur le lieu exact où on l’a perdu. Une bague ne se déplace pas. On la perd, on la cherche en plongeant sa main au même endroit. Elle remonte d’elle même vers son propriétaire. En pleine insomnie, Antoine écoutait le sempiternel ressac qui accompagnait sa nuit.

Cela fait 3 fois que je « perds  » cette alliance, la première fois, ce n’était pas intentionnel …je jouais avec tout en discutant au téléphone à mon bureau … à un moment, elle a volé et a glissé entre les classeurs …J’ai mis deux jours à la retrouver. Stéphanie s’en est aperçue le soir même…elle s est inquiétée d’abord, a mis ma parole en doute puis finalement elle m’a cru et y a vu un signe … Notre alliance est-elle fragile ?…ça a été une nouvelle lune de miel et cela m’a fait réfléchir…le pouvoir de cet anneau ! La deuxième fois, c’était pendant le premier confinement – j’avais maigri et mon alliance flottait un peu; en me lavant les mains pour la xième fois de la journée, à cause du savon, elle a glissé dans le lavabo. On venait de se disputer vivement car je ne pouvais pas faire l’école aux enfants. Ça a été un choc, le signe était clair, notre mariage prenait l’eau. Stéphanie était à côté, elle m’a entendu jurer et m’a aidé ensuite à démonter le lavabo… on a fait le bilan…on en a ri, on a eu chaud !!! On s est dit qu’il nous fallait être vigilants et en même temps, planait le spectre de « jamais deux sans trois »…

Me voilà quelques mois plus tard sur la jolie plage de Querqueville avec les 3 enfants. Stéphanie a besoin d’air cet après midi et m’a demandé de m’en occuper… moi aussi j’ai besoin d’air et la plage me fait du bien… l’horizon les jeux avec les enfants… On décide de faire un château de sable, je me sens comme un gamin et suis tout à la joie de creuser…elle a dû glisser. Je reviens à la maison sans mon alliance après deux heures de recherches infructueuses… L’anneau parle de notre lien, c’est comme s’il sentait les tensions entre nous … qu’il veillait sur notre amour, notre entente…L’anneau a été retrouvé, nos noms gravés à l’intérieur ont permis de nous identifier. L’amour plus fort que tout !

En fait, c’est Thomas Pesquet qui a retrouvé l’alliance ! Vu l’angoisse montante des réseaux sociaux, nous avons dépêché en urgence la Mission Alpha et le vaisseau Space X dans l’espace. A peine arrimé à la station spatiale internationale ISS, Thomas Pesquet a zoomé sur la plage de Querqueville, il a vu quelque chose qui brillait, et voilà, c’était fait ! Très sensible aux histoires d’amour, puisqu’il a emporté avec lui 1000 lettres d’amour dont celle de la jeune St Vaastaise, Léa Gosselin, nous attendons avec impatience sa contribution à l’histoire des « Amants de Querqueville ».

Attention, Communauté de l’anneau ou cercle des alliances disparues !
Deuxième alliance trouvée dans la région de Cherbourg. Quelqu’un
cherche peut-être à regrouper un certain nombre d’alliances, puis à les faire essayer à des candidats en mal d’âme soeur…Comme des souliers de vair à la Cendrillon.
Vu la taille il s’agit vraisemblablement d’une alliance d’homme.
La gravure mentionne :  » Charles-Hubert et Marilyne 4/7/90  »
Chouette, se dit Maryline, c’est pour moi. Et pourtant, je ne me souviens pas être mariée avec un Charles-Hubert, dommage.. Il n’est pas trop tard. Si charles-Hubert le souhaite, je suis toujours disponible…(Signé marie-pascale et maryline…)

Folie des alliances perdues…Mais que se passe-t-il? Près de Saint-Malo, à la faveur d’un détecteur de métaux, une alliance de 1967 « Micheline à Michel » a refait surface sous trente centimètres de sable, 57 ans après les noces. Que sont-ils devenus. Les amoureux se jurent fidélité, puis jettent leurs alliances dans les vagues…cupidon contre Poséidon. Ce dernier devrait être vainqueur, mais il semble que les amours ne soient pas mortes, qu’elle ressurgissent toujours du plus profond de la terre..

Contributions : Jean-Paul lebel, Mélanie, Permanganate, Anne, Claire-Chardin Lecoq, SteCoisnard, isa Bonamy, Martine Bartaire, Phil Hippe, Christelle Lefait, Karine Thiébot (dessin), Carmela, Patricia, Nicole Baras, Arasten, Laure alias Antoine, Isa alias Thom_,