Lac à l’eau claire – Saint Alexis des Monts, Mauritie, Québec – Feuille de route
0mars 11, 2013 par Isabelle
La lumière
Un jour, c’est la lumière qui est venue m’extraire des tourments de l’hiver.
Encore tout enfermé dans les derniers frimas,
Mon esprit végétait dans un profond coma,
Oubliant, l’insolent, de calculer les heures
Qui l’espaçait encore des premières lueurs.
Et pourtant, tous les ans, c’est au même moment,
Que le soleil s’échappe et part vagabonder
Sur des terres lointaines,
Puis revient librement,
Sans aucune manière,
Narguer les incrédules, insuffler ses pollens.
L’astre réconfortant, un matin par surprise,
Dispersa le ciel bas et les brumes encore grises,
Qui s’agrippaient aux branches et aux pauvres buissons,
Pour stimuler la sève et les premiers bourgeons.
Le cycle perpétuel de l’étoile magistrale,
Compte dans la nature comme phénomène banal,
Que nous, êtres hautains,
Engoncés que nous sommes dans nos grandes cités,
Englués dans l’urbain et la futilité,
Omettons quelque fois
De lui faire allégeance,
D’offrir notre respect,
Quand par inadvertance
Il fait son pied de nez.
Isabelle Bois- Extrait du recueil « Je te le dis »
Le 8 mars
L’auberge du Lac à l’eau claire ouvre sur l’immense plan d’eau, à quelques heures de bus de Montréal. Depuis notre arrivée, le soleil étincelle sur la neige. L’aube rosit le lac gelé sur lequel nous passons nos journées. Le lac restera gelé jusqu’à fin mars. La température, frôlant les 10 degrés hier, a fait fondre une bonne couche de neige et tomber quelques stalactites. Elle ne fait plus qu’un mètre d’épaisseur….
Pratique : les combinaisons grand froid -résistantes jusqu’à moins trente degrés) nous sont prêtées, ainsi que les boots (même résistance).
Les petits déjeuners sentent les oeufs brouillés et le bacon grillé, les haricots rouges et les saucisses. Le sirop d’érable à un parfum d’authenticité, comme le whiskey a celui de la tourbe en Ecosse. « Avec plaisir », « Bienvenue ».
Bien accueillants, ces cousins germains à l’accent improbable. Sauf que parfois, il nous faudrait un traducteur. Il y a un côté vieille province dans la sémantique québécoise.
Le soleil rasant le soir allonge les ombres des sapins qui cernant le lac et coiffent l’île ne face du lac. Les écureuils traversent le chemin. On entend les chiens qui tirent les traineaux, mais aussi des loups peut-être, car des cerfs ont été retrouvés éventrés. Les ours en revanche sont encore terrés. Aucune chance d’en trouver à cette saison.
Le tour du lac fait à peu près 43 km. Le lac sert à tout. Piste de ski de fond, piste de motoneige, piste de buggy, piste d’atterrissage pour les petits coucous qui arrivent de Montréal. Les hélicoptères arrivent à se poser entre les sapins. C’est un peu surréaliste de rouler sur le lac en skidoo, d’y faire des heures de ski de fond, ou de regarder les petits fockers se poser. Surtout que dans le petit lac d’à côté, les pêcheurs s’aident d’une foreuse pour creuser la glace et plonger leur ligne en quête de brochet. La glace fait environ 50 cm d’épaisseur. La glace se reforme chaque nuit, et le matin, tous les trous sont refermés. Alors, nous faisons du ski de fond sur cette croûte de glace, presque sans crainte, néanmoins pas très familiarisés tout de même. Mais c’est tellement beau
Les courses en motoneiges restent un grand must. « On a ben du fun ». Les motoneiges circulent avec leur passagers casqués. Des Cras comme vous n’en avez jamais vu, « l’étoffe des héros ».
10 mars – Karol à 20 ans aujourd’hui !
Le givre a couvert toute la forêt cette nuit. Les arbres encore sombres hier soir étaient blancs ce matin, et le ciel bas, contrairement aux jours précédents.
Autour du lac, dans les chemins escarpés entre les sapins, signalés par des empreintes de raquettes, sont parfois glissant comme des coulées de glace. On y descend sur les fesses, comme si l’on avait une luge, et il y a de la chute, empannage, retourné boulé, plat de dos… Bataille de boule de neige entre les garçons, balade sur les chemins, visite des chutes.
Quelques heures en compagnie des huskis.
120 chiens de traineau, dont une partie de huskis, courant à 10 km heure, et une autre partie au nom incompréhensible (prononcé en québécois) qui courent à 35 km.
Ils restent dehors tous l’hiver, même par moins 40, tous attachés sinon ils s’entretueraient. Chacun a une petite niche en bois, plus ou moins machouillée. Ils aboient tous en même temps et le musher les calme d’un coup de gueule. Mais à 120, le boucan est infernal. Pourtant, ils ont des yeux si doux, bleus clairs. Certains prennent la pause sur leur cabane, croisent leurs petites pattes et vous regardent avec des yeux bienveillants.
Hop, hop, hop, allez, allez… Le musher est loin devant avec le traineau de tête. Ils faut les encourager, les chiens. Ils frétillent, ils partent comme des fous au démarrage, droit devant, puis il faut pousser le traineau, ils commencent à ralentir, alors on crie pour les stimuler.
Des chiots sortent la tête sous leurs mères dans les niches.
Le froid tombe ensuite sur la forêt et sur le lac. Les cheminées monumentales sont allumées au quatre coins de l’hôtel. Les bûches font 40 centimètres de diamètre, véritablement des tronçons d’arbre. La chaleur de l’âtre et du thé permet de reprendre des couleurs. Vive le sauna, les bains chauds et les grosses chaussettes bien sèches.
Truite marinée, truite fumée, truite en croute, tartare de truite, truite sèche, truite saumonnée, truiture, truite à toutes les sauces…Nous déjeunons, dînons, soupons à la truite.
11 mars – Ciel blanc. Le froid de la nuit à figé le manteau neigeux. Un silence, une immobilité
Chut de neige
Et d’un coup, il y eut le silence.
La rumeur ordinaire de la rue s’éveillait assourdie.
Pas un chuintement de roue,
Pas un claquement de pas,
Apnée.
Les derniers oiseaux d’hiver s’étaient tus.
Je l’ai entendue étouffer les bruits,
Et insidieusement,
Engourdir les restes de la nuit.
Au petit matin blanc,
Elle avait répandu son unique couleur,
Et pesante, écrasé le monde des odeurs.
Ne laissant autour d’elle
Que sa croûte de gel,
Et son parfum de froid.
Les rosiers et les lierres débordant des jardins
Courbaient sous l’épaisseur de la ouate poudrée.
De chaque réverbère, irradiait un halo
Palpitant come un cœur.
Tandis que les foulées s’imprimant dans la poudre,
Crissaient, et enfonçaient le douillet manteau blanc
Amortissaient les chocs, à me prétendre sourde.
Isabelle Bois – Extrait recueil « Je te le dis »
Ciel blanc toute la journée, un ciel chargé de neige, sauf qu’il a fait trop doux et qu’il est tombé en pluie, « cà pô d’allure », presque ridicule pour le Québec. Et pas de truite au menu du jour, là on croit rêver !
Ski de fond sous la pluie, ou plutôt ski – soupe sur le lac. Curieux cette impression d’instabilité sous les skis, pourtant l’épaisseur de glace est encore considérable. Et puis le ski sur le plat, c’est calme, c’est lent et sans danger. Une vingtaine de kilomètres tout de même. Un régal.
Karol n’a pas eu le même enthousiasme avec sa première expérience en la matière. Il vociférait, tout seul sur ses skis, et a finit par annoncer qu’il demanderait à Gal Elmaleh d’écrire un sketch sur cette forme de glisse.
Il a fallut attendre le coucher du soleil pour qu’il irradie sur la neige et sur les troncs encore nus de la colline. Les chiens ont aboyé dans la forêt ; l’heure du dîner sans doute.
12 mars – Montréal
Je me souviens / Que né sous le lys (France) / Je croîs sous la rose (Empire britannique).
I remember / That born under the lily / I grow under the rose.
Les emblèmes de Montréal : Le lys des Bourbons, la rose des Lancastres (ethnie origine anglaise), le chardon des écossais, le trèfle des irlandais, principaux groupes constituant la ville au XIX è siècle.
Retour dans l’urbain AHRRR. Fini le grand blanc, et il pleut, il fait nuit dès le matin, c’est pas confort pour le moral. Notre hôtel est en plein centre, calé entre des immeubles en briques, cousins de ceux de Glasgow, et des bâtiments en verre, tout simplement nord américains. Plus tellement exotique tout cela. Quelques rues sous la pluie pour « magaziner » un peu. Bredouille! Et Zeph s’est mis au pipeau. Un moment de flottement…
– Lever de soleil et chute des températures
– Traversée de Montréal, Pont Jacques Cartier, le port, les bâtiments du brasseur de bière historique Molson, Le St Laurent et son courant déchaîné qui charrie des blocs de glace d’un mètre d’épaisseur. La croûte de glace est brisée en amont pour permettre aux bateaux d’entrer dans le port.
– Le Mont royal, « la montagne », encore glacée, où l’on croise des écureuils, de skieurs de fond, joggers. La belle lumière baigne la ville
– Déjeuner de smoked meat et frites ketchup mayo dans un resto de Sherbrook.
– Léopoldine se fait faire un percing dans l’oreille au bout de Ste Catherine. Puis retour vers les galeries commerçantes = le cauchemard !
Achats : sirop d’érable, en bidon, en can, en biscuit, en bonbon, en thé, en sucettes. Tee-shirt à tête de loup, tee-shirt Hokey canadien, caribou en peluche….Stop !
Direction Airport. Tandis que Montréal fond, Paris est couvert de neige…
Catégorie Carnets de voyages | Mots-clés: "je te le dis", carnet de voyage, Lac à l'eau claire, Mauritie, poésie, Québec
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