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Feuille de route Easter 2014 ; guess where !

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avril 23, 2014 par Isabelle

3 h de route, 1 h 30 de bateau, + 4h de voiture vers l’ouest; où suis-je ?

Bath, prononcez Bath, pas Bath (thaïlandais), ni Basse (Normandie), ni Baas (palestinien), ni base (navale), ni Batz (île bretonne), mais Bath, non loin de Bristol, GB. Alors placez bien votre langue entre vos dents, et évitez de cracher. Et je vous le demande, devrait-on aller visiter des lieux dont on arrive pas à prononcer le nom ?

Mais, je commençais à manquer d’un Earl Grey servi dans une porcelaine Wedgwood. C’est mon côté Reine d’Angleterre, plutôt que Marie-Antoinette sur ce coup là. Snobbish !

– Pâques + 1

Alors après quelques heures sur la A1, on s’est aligné sur un quai du port de Calais devant le Ferry de la P&O. Les mouettes au ventre blanc picoraient entre les voitures. Puis, des personnages en gilet fluo et armés d’un talky walky nous ont invité à garer nos véhicules dans le ventre du monstre, camions sur le pont le plus profond, voitures et bus au-dessus. Alors une eau bouillonnante couleur moutarde est sortie sous les entrailles du Ferry, créant une croûte de mousse baveuse et s’étalant en filets beigeasses. Le bateau a pivoté lentement pour tendre sa proue vers le large, avec à peine dix mètres de battement entre deux quais et les chalutiers amarrés. Une traversés bleue! Plein soleil, plein de mouettes, plein de blondes et de rousses avec des appareils dentaires et des taches de rousseur, pas de gîte, juste de quoi déclencher toutes les alarmes des voitures dans la soute.

Des routiers massifs à l’accent ukrainien, d’autres avec des gueules de Hells Angel, sont endormis sur les banquettes, bec ouvert, exténués.

Dover : Arrivée au pied des falaises en pensant à Charles d’Orléans, resté 25 ans prisonnier en Angleterre.

En regardant vers le pays de France,
Un jour m’advint, à Douvres sur la mer,
Qu’il me souvint de la douce plaisance
Que je soulais au dit pays trouver ;
Si commençai de cœur à soupirer,
Combien certes que grand bien me faisoit
De voir France que mon cœur aimer doit

Je m’avisai que c’était non savance
De tels soupirs dedans mon cœur garder,
Vu que je vois que la voie commence
De bonne paix, qui tous biens peut donner ;
Pour ce, tournai en confort mon penser ;
Mais non pourtant mon cœur ne se lassoit
De voir France que mon cœur aimer doit.

Alors chargeai en la nef d’Espérance
Tous mes souhaits, en leur priant d’aller
Outre la mer, sans faire demeurance,
Et à France de me recommander.
Or nous donn’ Dieu bonne paix sans tarder !
Adonc aurai loisir, mais qu’ainsi soit,
De voir France que mon cœur aimer doit.

Paix est trésor qu’on ne peut trop louer.
Je hais guerre, point ne la dois priser ;
Destourbé m’a longtemps, soit tort ou droit,
De voir France que mon cœur aimer doit !

Un de mes poèmes préférés.

Puis M (motorway) 20, M 4, M 26, M 25 West par Reading, Swindon, dir Bristol.

Notre hôtel est à Limpley Stoke (Somerset), en pleine campagne anglaise, Woods hill, une belle demeure anglaise bâtie en haut d’une colline avec vue sur la vallée, verte comme un tapi de billard. Nature un peu fainéante ; les lilas ne sont pas encore en fleurs.

De longs couloirs, de grandes pièces avec cheminées, des bars avec des fauteuils écossais, et des moquettes étourdissantes, épaisses au point de vous faire trébucher, qui se succèdent avec des motifs multicolores en médaillons, blasons, rosaces, cachemire, entrelacs, des juxtapositions avec les papiers peints introuvables ailleurs qu’en GB. Et ces escaliers, trois marches par-ci, dix marches par là, dans tous les sens et non connectés, on ne sait jamais où on est ni où on va. Digne de Poudlar! Grand confort néanmoins!

Le train Londres-Bath vient de passer. Nous avons rêvé d’oeufs au bacon et de saucisses ruisselantes de graisse, de haricots sauce tomate, de toasts et de la marmelade. Breakfast is coming !

Idée de génie à Limpley Stoke (600 hab).

Avant  Après

Bibliothèque libre. On dépose et on prend comme on veut. Cela me rappelle un projet lors d’une récente campagne politique. Adjoints à la culture, prenez-en de la graine!

I love Darcy !

Il y a du Gainsborough dans l’écriture de Jane Austen. Après avoir lu à la suite suite tous les romans de l’écrivaine anglaise, je ne distingue plus à quelle histoire correspond chaque personnage. Bingley, miss Dashwood, Willoughby, Charlotte, Mr Bennett, Lady Bennett…Puis j’ai ressenti une profonde tristesse en me disant que je n’en lirais pas d’autre puisqu’elle est morte depuis presque 200 ans. Je m’étais vautrée dans ces histoires d’amour contrariées, de vraies « bleuettes » – et là, attention messieurs je perds votre attention car vous paniquez à mort devant le registre sentimentalo/amoureux – mais ce n’est pas tout, nous parlons là d’ethnographie, de peintures sociales parfaitement détaillées sur la société anglaise fin XVIIIè, début XIXè, avec tout ce qu’elle a de carcans, de contraintes, de bienséances, de ridicule, d’élégance, et de culot, bref un régal de descriptions sur la place de la femme et sur son rôle dans l’Angleterre à la fin de l’époque victorienne.

Donc, je suis sur les traces de Darcy, le beau ténébreux d’Orgueils et préjugés.

Pâque + 2

Ah, la campagne anglaise ! C’est Valognes ! Mêmes bosquets fleuris, même petits murs de pierre qui suintent, même pluie fine alternative (voire continue), même parfum de terre, même gazouillis d’oiseaux.

Quant à Bath

Ballade en bateau sur la rivière Avon jusqu’à la passe de Bathampton. Peu utile et assez chère, mais j’adore! « Lovely » de glisser au fil de l’eau entre les berges et la belle végétation, même sous la bruine, avec un bon thé.

Roman bath ; vous trouverez tous les détails sur le net concernant ce qui fit la réputation de Bath à partir du 17è siècle ; source chaude et curative avec une eau naturelle ferrugineuse à 46°.

Pulteney bridge ; genre de pont construit comme le Ponte Vecchio (Florence)

l’Abbaye, Bath abbey ; un joyeau, les vitraux de la baie ouverte à l’est, la voûte :

 

Ce qui émane surtout de la ville (environ 90 000 hab) répertoriée au patrimoine mondial de l’Unesco, c’est une impression d’unité pareille à celle de Venise et celle du Havre, d’homogénéité architecturale, harmonie due à la couleur ocre-crème de la pierre locale qui a servi à la construire, mais aussi sans doute à une pensée « urbanistique » plus globale dans les alignements et les hauteurs de ses bâtiments de l’époque georgienne, à travers les rues, les parcs, The Circle, The royal Crescent. 

Paisible ville étalée le long de la rivière Avon, pas mal de cheveux gris et de jaguars.

Délicieux muffins au chocolat et chocolate shortbread. Fish & chips for dinner => + 2 kg. Forget Darcy !

– Pâqu + 3

« Plus je marche, plus j’écris… »

Le « crachin » normand s’est arrêté mais ils roulent toujours à gauche. Pas de doute, on est encore bien dans le Somerset! Pourtant les haies sont les mêmes que celles de notre bocage, pissenlits, boutons d’or, primevères, fougères, herbes à lapin, orties. Serions nous cousins avec ces anglais, devrions-nous pactiser avec nos ennemis séculaires, au risque de nous froisser avec tous les clans écossais et nos amis irlandais ?

Ici, le « mouton tond », ou ils utilisent la « moutondeuse », comprenez qu’ils font des lâchers de moutons dans les parcs et les espaces verts et les bords d’autoroute pour entretenir le gazon. C’est bucolique, décoratif et inutile de rivaliser avec leurs pelouses. Mais ici ce matin, une insupportable fucking tondeuse électrique ronfle dans le parc. Et là tout mon fairplay disparaît !

Vous avez déjà cherché un skate park entre Bath et Bristol ? C’est pas gagné.

Bristol énorme ville qui nécessite une bonne demi-heure de traversée de banlieue avant d’atteindre le centre. Quelques beaux quartiers anciens, quelques anciens hangars en briques rouges, mais une circulation et un brouhaha urbain incessant. Il y a un Primark pour ceux que cela intéresse. Mais qu’allais-je donc faire à Bristol ?

Et en plus j’ai pris une prune; stationnement!

– Pac + 4

« Running in the rain »=> this is England !

C’est par hasard que je suis tombée sur Freshford en courant dans les chemins de Limpley Stoke. En pleine campagne, des maisons splendides aux jardins souriants malgré la pluie, et des villages en pierre locale ocre-crème, organisés autour d’églises et de chapelles non moins charmantes (Le Cotentin vous dis-je, sauf pour la couleur de la pierre bien sur!). Que vois-je entre deux flaques à Fresford? Concert de jazz à 20h, au milieu de nulle part !

Sous la pluie, nous visitons Farleigh Hungerford CastleSi, si, faut l’faire parce qu’il est en ruine, qu’il n’y a plus un plafond et qu’on est trempés. Seule la chapelle et la crypte ont résisté, avec une remarquable fresque de Saint Georges terrassant le Dragon, rouge et lie de vin, de presque 300 ans.

Direction Bath, Jane Austen shop, où nous équipons en items « i love Darcy ».

Puis les 212 marches du clocher de l’abbaye. 212, quelqu’un sait-il à quoi cela correspond ? A part que c’est 2×106, moi je ne vois pas. C’est comme les miles, les gallons, les inches, la conduite à gauche, on ne comprends rien. Prenez le phare de Gatteville (Le deuxième phare le plus haut (75 mètres) de France : 365 marches (une par jour de l’année), 52 fenêtres (une par semaine) et 12 paliers (un par mois). Tout est précis, tout est clair. ben là, non!

Après un dernier tour dans la ville, une nouvelle « prune » de stationnement, le chocolate shortbeard quotidien, direction Freshford où curieusement de nombreuses voitures (j’rapelle ; jaguar, mercedes et autres belles carrosseries à poinçon) sont agglutinées sur les bords de chemin autour de The inn at Freshford, remplie pour la soirée jazz par une société qui boit du vin plus que de la bière, très « tennis court » puisque nombre d’entre eux sont membres de club. Belle ambiance country side upper class !

– Bac + 5

MCA = Master en campagne anglaise, diplôme inutile et non reconnu

En passant par Warminster, nous partons visiter Stonehengde, sorte d’île de Pâques où des monolithes non figuratifs sont tombés du ciel alignés en cercle. Les dieux les ont assemblés en forme de méga cadran solaire, entouré de tumulus et d’entassements de pierres plus éloignés, le plus grand site néolithique d’Europe (-2800 av JC, daté carbone 14) dont la signification demeure obscure. Ce qu’on sait, c’est que les gars qui ont construit ont mis a peu près mille ans à ériger le site car ils ont dû aller chercher les pierres (plusieurs tonnes quand même) et les ramener sur les rondins, ou sur l’eau, à trente km de là, car il n’y en a pas originellement sur le site.

La bonne nouvelle, c’est qu’à l’été 2014, le centre d’accueil visiteurs sera déplacé pour restituer au site son sens mystique ? religieux ? isolé au milieu au milieu de la lande.

Route de Brighton en passant par A 34 et en longeant la côte pour regagner Dover. C’est assez lent, mais le front de mer urbain est séduisant, particulièrement Hasting, qui méritait sans doute sa bataille (1066)! 

Des champs de moutons jalonnent toute une partie de la route et pour le coup c’est bien tondu. Ca sent le mouton de pré-salé.

Nerf sciatique coincé à gauche depuis deux jours. C’est un coup de la conduite à gauche, c’est sur. Je le savais, ça n’a pas de sens!

Quelques loupés au niveau des ronds points. Limite raté le bateau. Puis le play-mobil en gilet fluo avec son talky walky m’a dit :

– Lane 180 in the P&O. Ten minutes, take the row, lady, park you car, drive straight.

Et le ferry s’écarte du quai et pointe sa proue vers le large. Les annonces sécurité se donnent en toutes les langues dont le polonais. Mais que fait la police des frontières, je vous l’demande. L’Angleterre n’est plus ce qu’elle était. Je ne parle pas de indiens ou des pakistanais, mais des serveuses parlant anglais avec un accent slave, des immigrés français…

En fait, de Douvre, on voit parfaitement la côte française et ses mêmes falaises blanches. C’est sûr, les dieux nous ont séparé.

Deux étonnements culinaires :

– Pain de mie frit dans l’huile : au breakfast. C’est comme une frite, mais poreuse, car chaque petite alvéole de mie s’est remplie d’huile. Je n’ai jamais rien mangé d’aussi gras. Eh bien j’aime ça !

– Rasberry butter : sorte de confiture mélangée avec du beurre en un pâte homogène et onctueuse. Comme si au lieu de tartiner le beurre, puis la confiture par-dessus, on étalait directement cette pâte. C’est pas mal.

– Back home

 

 

 


1 commentaire »

  1. vera dit :

    c’est bien cool d’avoir enfin de vos nouvelles…
    j’ai fait la traversée avec vous. Tout y était, jusqu’aux chauffeurs de trucks avachis et ronflants…
    J’adore ce sud de l’Angleterre, si dépaysant, et pourtant si proche, à vol d’oiseaux, moins loin que Lyon pour des parigots…
    Enjoy my love…
    Et si tu trouves des scones (sans raisins) bien frais, bien bons, éventuellement avec de la cloted cream just super (remboursement assuré !)

    tu reviens quand, copine ?

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