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Premier roman : Les Infidèles

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décembre 16, 2012 par Isabelle

Extrait :

Tout avait commencé, ce jour là, peu après la première prière. Un ballet de véhicules vrombissait dans la cour, à l’intérieur du mur d’enceinte. Ils s’étaient garés juste derrière la paroi de sa geôle. D’ordinaire, le silence était pesant dans ce lieu que chaque indice donnait pour isolé. Ainsi, le bruit des moteurs s’était-il fait entendre de loin d’abord, puis de plus en plus rapproché, de plus en plus sonore, car ils étaient nombreux. Les embrayages avaient fait entendre leurs crissements, puis les roues dérapaient sur le sable caillouteux avant le freinage, nerveux pour la plupart. Une telle armada ne s’était pas regroupée ici depuis l’arrivée d’Hélène. La porte d’entrée, l’unique du bâtiment, s’ouvrit et se referma à plusieurs reprises, grinçant dans ses gonds. Les uns après les autres, les visiteurs arrivaient dans le couloir, leurs pas piétinant la terre battue.

–       Salam halecum

–       Halecum salam

Elle connaissait ses classiques : Inch’AllahAbdullah. Sorti de là, elle écoutait les voix sans les comprendre. Sans les voir non plus puisque sa cellule était située à l’autre extrémité du couloir. Elle les devinait, drapés dans leurs longues dishdasha, échangeant d’interminables salutations qui s’achevaient par une accolade, tour à tour, posant la paume de la main sur le cœur de celui d’en face et réciproquement. Les litanies de la prière durèrent plus longtemps qu’à l’ordinaire. Elles étaient reprises en cœur par six ou sept voix, peut-être davantage. Hélène reconnut la voix d’Ahmad. Plus prégnante encore, la Voix grave se répercutait contre les parois en terre, sonnante comme un gong tibétain. Hélène imaginait les silhouettes blanches se levant et se pliant en deux, puis à genoux, inclinées front contre sol.

Ce jour était un vendredi, le premier qu’elle passait ici ; le début d’un nouveau calendrier pour Hélène. Il comporterait désormais un vendredi et des journées de cinq heures. Faute de savoir exactement la date de son arrivée dans les lieux, à partir de maintenant elle compterait le nombre de jours durant lesquels elle serait détenue.

 

La fin de la prière était proche. Les litanies reprises en cœur durant la célébration s’étaient interrompues, laissant place à un flot de conversations croisées et à de légers bruits de vaisselle. Les hommes restaient assis ou à genoux sur le sol, autour des plats et des théières. Hélène s’était rapprochée de l’embrasure de sa cellule sans la franchir, espérant recueillir des informations sur sa détention, sur ses geôliers et peut-être entendre parler des siens. En vain. Les échanges demeuraient définitivement incompréhensibles. Deux ou trois sonneries de téléphones mobiles se firent entendre dont celui d’Ahmad tout à fait improbable ; une musique arabe remixée façon électro. La petite assemblée masculine semblait paisible et cordiale. Une odeur de cigarette provoqua chez Hélène une pointe de jalousie.

Après plusieurs jours dans l’isolement le plus complet, tout être humain est attiré par un regroupement social convivial.


6 commentaires »

  1. Adele Toucourt dit :

    A paraitre…? Ca y est ? Génial.
    Bravo pour ton site et cette mise en visibilité de ton travail…

    Si je m’adosse au titre… est-ce aussi un espace de « partage » de mots écrits par d’autres ici et là, dormant dans les tiroirs, ou pouvant être invités ?

  2. admin dit :

    A paraître oui, mais probablement éditeur web…

  3. Bravo !!!! Je suis heureuse de te découvrir sous cet aspect là… Passage bien choisi que celui publié ici car il m’a donné envie d’en savoir plus …
    Je t’embrasse
    Sophie

  4. anne virlange dit :

    envie de lire la suite ! bravo za ! c’est tout toi . merci

  5. Sylvain dit :

    on devra attendre longtemps pour la suite?

  6. Isa Godineau dit :

    Habilement et joliment écrit, l’histoire est belle et profonde. Le rythme soutenu et poétique nous berce et nous attire.
    Les détails foisonnent. Le soleil brule, l’eau soigne, la main caresse et rassure…On apprend, on ressent, on écoute.
    C’est un livre riche, gorgé de grâce et de volupté, qui me donne l’envie, Ô combien attirante, d’être moi aussi « Infidèle »
    Belle découverte. Bravo Isa et merci pour ce premier roman.Vivement le suivant !

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