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Approche philosophique de mon roman « Les infidèles » par Patrick Gatignol

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juin 26, 2014 par Isabelle

Approche philosophique de mon premier roman écrite par Patrick Gatignol, philosophe, conférencier et professeur de philosophie, enseigne à l’Université Populaires des Hauts de Seine.

 

Lien vers le fichier : J’ai rencontré une Romancière

 

Il était une fois une Romancière qui évidemment écrivit un Roman – un Pataphysicien notoire qui passait par là s’arrêtât  pour lire : s’en suivit un texte un peu triste et ébouriffé, croyant bien faire le Pata l’envoya à la Romancière ?

                                                                                     *           

* L’Écriture Femme ?

Non pas de toutes les femmes (beaucoup écrivent comme des militaires à la pointe de leur talons aiguilles), non pas seulement les femmes (certains porteurs de Pipes à double foyers écrivent aussi Femme). Écrire du point d’une expérience/ posture/ quasi identité de soi et de l’autre en altérité quant à nos corps-âmes sexués (si il y a une chose qui est sexuée c’est bien l’âme !), du point d’une expérience du Deux, du point de l’une des deux expériences du Deux sexué ? (le point d’interrogation s’impose puisque en dehors { ?} du Deux il existe une pluralité de rapport à l’autre et à soi en tant que sexués et tous {surtout les grandes gueules Machistes} sont traversés par des pluralités certaines, malgré l’Identité en majeur de chacun).

L’Écriture de ce qui n’est pas au centre du portrait à la place du Roy (c’est-à-dire du mirobolant Macho, du PATOUZE des milices ou du Sauveur de la Sainte Nation), à la place des attributs de la royauté ou des fascismes divers et tellement variés ? Une Écriture qui transite de point en point, de fragment en fragment comme pur fragment de rien comme Tout – en éclats d’intensité pourtant en douceur ?

(L’Écriture Machiste se la pète voulant tellement être versaillaise {et de plus d’une manière !}, étatique au son d’une clique militaire qui marche au pas).

L’(es) Écriture(s) d’Isabelle :

L’écriture du corps en fragments de lui-plus lui comme un ? / L’écriture des odeurs olfactives et des odeurs des autres sens ? / L’écriture de la poussière ? /L’écriture de la tactilité (sonore des tapis) ? / L’écriture de la mosaïque morcelée ? – Et de beaucoup d’autres quasis choses sans unité souveraine : des objets-Femmes ?

* L’écriture du corps en fragments :

En fragments absentés de toute unité souveraine  et de toute existence indubitable : « Mon Dieu ! Absence. Tête, corps, où êtes-vous ? Dites quelque chose, donnez-moi un signe. » En fragments peut-être perdus « si bien qu’elle eut l’impression que ses doigts avaient disparu. Étaient-ils encore à leur place, à l’extrémité du bras, loin, très loin après l’avant bras, bien au-delà du poignet, tout au bout de sa paume gonflée ? »

Corps en fragments qui s’explore point par point, comme Hélène explore les petits carreaux sur lesquels elle se trouve allongée : « Centimètre par centimètre ». Et plus haut dans le texte : « De la tête aux orteils elle vérifia chacune de ses articulations, activant un à un les mécanismes osseux » (c’est nous qui soulignons).

Bien sûr l’objet 1° de ces pages n’est pas le corps féminin en tant que tel, ni non plus sa possible perception mais un corps captif, enchaîné et qui revient à la vie conscience petit à petit – mais cependant cette situation (tout à fait exceptionnelle) nous paraît constituer comme un dispositif permettant de mettre en scène et le corps féminin en tant que tel (ou le mode d’être féminin d’un corps sexué) et sa perception féminine possible (qu’un sexué à la pipe à double foyer, à son meilleur non militarisé, peut assumer ! ?) : un corps non centré sur des attributs étatisés en gloire (quoique souvent en berne ), un corps de collines, de prairies et de grottes aux orientations fantaisistes (au désespoir de l’I.G.N !) ; un corps qui ne se voit vraiment que dans la pluralité transversale des cinq sens et de beaucoup d’autres (?),  de très près et avec l’œil-main-bouche-nez-oreille collé à chaque fragment (sinon il s’agit du corps des pin-up, pour des voyeurs, qui voient surtout leurs propres fantasmes masculins), petit morceau par petit morceau  en explorations  autant visuelles que tactiles et odorantes et ainsi de suite dans l’activation des cinq sens – nous pourrions parler d’une visualité/tactile/odorante/sonore/gustative (dans l’explosion de la séparation des cinq sens) –

A ce mode d’être d’un corps démultiplié et sans un, il faut opposer le corps clairon dit masculin : corps centré et réductible à son centre majestueux disent-ils ! ?

A ces perceptions  point par point et transversales aux cinq sens, il faut également opposer la Perception visuelle et globalisante et centrée de l’athlète en marcel des gymnastes des Pompiers.

En Romancière pudique Isabelle n’exhibe pas tous ces enjeux autour des corps au féminin,  elle les active dans ses descriptions et par son écriture au féminin ? 

* L’écriture des odeurs olfactives et des autres sens :

« L’odeur d’un intérieur renfermé lui montait progressivement au cerveau, l’odeur de l’ombre, l’odeur du sol, l’odeur de la poussière et du brûlé, l’odeur de la douleur »

Constamment notre romancière va pratiquer des descriptions olfactives qui transitent entre les cinq sens : ainsi le visuel ombreux a une odeur, de même le sol entre le visuel et le tactile délivre son odeur, de même encore la fine tactilité de la poussière génère son odeur (cf. aussi plus bas dans notre texte) : Isabelle brise ainsi la prédominance du Visuel Centré  dominant les autres sens chacun dans leur registre bien délimité et séparé (Des délimitations rigides et hiérarchisées qui ainsi volent en éclat).

Est mise en suspens la Perception Centrée/ Unitaire/ globalisante/ du Maître – Masculin cela va de soi – des Lieus, des Corps et des Œuvres (et telle qu’elle s’est développé, par exemple, dans la Peinture Occidentale depuis au moins la Renaissance).

* L’écriture de la poussière en poussière :

A la poussière qui virevolte en quasi existence insaisissable, en tactilité fuyante odorante et visuelle /il faut opposer le caillou que tout homme digne de ce nom porte dans sa poche de révolver et personnellement j’en porte toujours un (du Cotentin) pour caillasser l’imprudent qui aurait offensé mon Honneur perdu depuis un bail !

Pour le plaisir et pour confirmation citons maintenant Isabelle : « Elle connaissait le goût de la poussière, ses formes, ses couleurs. A chacune sa température. La poussière grise, froide ; celle du silence et du temps qui passe, celle des cendres et des morts. La poussière noire et lourde ; poussière urbaine, celle du tumulte et du chaos. La poussière blanche et volatile ; celle des rêves auxquels on veut croire ».

Et plus bas toujours p 10 : « Hélène connaissait principalement celui de la poussière rouge, le goût de la poussière rouge, le goût de la poussière d’Afrique, de sa première vie sur le continent noir » et à la page suivante « La poussière change de saveur selon sa couleur et sa température. Un connaisseur peut la deviner les yeux fermés par le goût qu’elle laisse sur la langue. Ici la poussière est chaude et ocre, un sable raffiné, le plus fin des sables, tellement léger, à peine une couleur pour teinter l’air. »

Citation par lesquelles nous voyons que notre St Frusquin conceptuel est visiblement débordé par les écritures de notre auteur(e) !

* L’écriture de la tactilité sonore des tapis : tactilités et écoutes des pieds – orteils, talon, cheville, petit riquiqui des enfants et des femmes –  (Seule une femme a des pieds ! Les hommes en tant qu’homme ont des écrases-bouses quoique je me crois en exception  de ces horreurs et je peux le prouver ! ?).

« Elle les (les tapis) voyait défiler sous ses pieds les uns après les autres, comme s’il volait en enfilade, une succession de tapis en laine à dominante rouge. Chacun d’eux a sa propre sonorité. Le Kilim afghân, le plus rêche, le plus rigide, émet un son sec sans retour. Le Belouche épais comme une éponge, produit des notes longues, étouffées, presque mouillées. Le vieux Tripolaine joue un registre intermédiaire. »

 

* L’écriture de la mosaïque morcelée : je vous laisse futur lecteur le soin de méditer cette écriture ?

 

**

Annonce d’une deuxième partie, encore plus mirobolante et plus arbitraire :

La Rencontre d’Amour/ le gestuel pur d’Amour/ Le Devenir d’un homme dans et par l’Amour/ Dans l’indiscernabilité entre l’emphase de l’illusoire et l’écriture vraie de l’Amour / Du Nihilisme contemporain quant à l’Amour (Nihilisme des jeunes-vieux cons, vraies racailles).

Le Roman d’une Rencontre ? Mais qu’est-ce que serait une « rencontre » qui n’en serait pas une ? Mais la majorité écrasante de nos dites rencontres, soit ce qui nous agite en régime de croisière bonasse, en uniformes bien de chez-nous ; tous les temps de nos existences :

(Non)rencontrer les emplumés de nos tribus et nous emplumés et barbouillés dans nos fêtes entre soi, entre nous ; (Non)rencontrer les beaux partis, de nos agences de fricotages,  garanties sur écran magique et tellement en harmonique avec nos phantasmes érotico-sociaux  – et ainsi de suite tout le long de nos agitations.

* Le Roman d’Isabelle est le Roman d’une (Vraie)Rencontre c’est-à-dire invraisemblable, hors programme, hors sécurité, hors tribu, hors culture

(Et les emplumés, les sécurisés jusqu’à la gueule, les réalistes multidivorcés, les désillusionnés au combien adultes – de rire de bon cœur, de ce romantisme d’un autre âge).

Deux Singularités dans l’universalité se rencontrent : comme enjeux rien moins que la possibilité de l’Amour : si l’Amour entre ces deux là ne saurait advenir – par principe du bon sens – alors l’Amour est un Impossible – Isabelle écrit sur ce fil du rasoir. Elle extrémise l’idée de l’Amour comme l’idée de ce qui met en déroute ce qui nous identifie et nous oriente en tant que cuits et recuits par nos abandons (en ce sens le titre du Roman est ironique : les « infidèles » ne sont pas ceux que l’on croit !).

« Leurs histoires personnelles n’avaient pas une once de connexion, aucun point commun dans les mailles de leurs vies antérieures. Et de surcroit, ils ne disposaient pas d’un langage commun pour se les livrer. Ils n’avaient d’autre choix que de se deviner, de se transposer ».

* Le Gestuel pur de l’Amour et ses gestes :

« Hélène se redressa, dégagea la couverture dans un bruit d’étoffe et s’assit en tailleur face à lui. La scène se déroula dans la pénombre, au ralenti, à voix basse, prenant des allures bibliques. »

 Les gestes purs de l’Amour : certes ils sont signes d’Amour – en renvoi à son existence – mais ils ne sont pas seulement dans leur « renvoi à », comme des signes instrumentaux, ils font exister l’Amour, ils sont l’Amour en Acte, en rupture avec le gestuel instrumental qui sature nos vies quotidiennes (faire signe vers, faire en vue de . . .). Ils n’existent qu’en vue d’eux-mêmes, en eux-mêmes – nous pouvons les appeler gestes purs. Ils constituent la chorégraphie d’Amour, celle d’Hélène et de Fayçal comme celle de « tous les Deux » de l’Amour.

Mais ces gestes sont travaillés par la Mort et le désespoir : Il faudrait analyser et comparer (je vous le laisse en exercice de beauté) les deux magnifiques scènes où Fayçal lave Hélène, en Amour mais aussi au désespoir de l’Amour : non pas que leur Amour se meurt de son impossibilité intrinsèque – comme les sots et les demis affranchis le croiront – mais leur Amour va être tué par notre Monde qui n’en veut pas, qui n’en veut rien savoir : ce n’est pas cet Amour qui est impossible mais c’est ce Monde qui ne saurait l’abriter, c’est ce Monde qui est l’impossible pour cet Amour là  !

« A genoux face à face, ils formaient deux silhouettes blanches, anges ou fantômes, deux corps dans leurs linceuls, des sursitaires ».

« Il la déshabilla. Elle avait froid malgré la vapeur qui montait dans la pièce. A genoux contre sa hanche, incantatoire, il plaquait la paume de ses longues mains sur le ventre blanc. Ses doigts maigres la pétrissaient avec toute la force du désespoir ».

« Pareils à des condamnés, ils marchaient dans le couloir sombre en se tenant l’un à l’autre, s’irradiant l’un l’autre. Ils s’éclaboussait de vie » 

* Le devenir d’un homme dans et par l’Amour :

Si leur Amour est l’impossible de ce Monde-ci comme tout Amour il génère de l’impossible sauf pour/par lui – qui devient du possible par ses puissances. En particulier quant à Fayçal :

 

« Fayçal déployait des trésors de tendresse, bien au-delà de ce qu’il imaginait être capable de prodiguer. Le don, le don appris avec elle, le don pour rien, sans apprendre de retour, sans attendre du tout. Il en avait prit le goût ».

Isabelle rencontre ici un théorème, bien connu de tous les mathématiciens de haute volée, un théorème concernant le Deux des sexes : alors qu’une Femme en tant que Femme peut rendre moins CON un homme, très généralement un homme, en tant qu’homme, rend une Femme plutôt plus CON qu’elle n’est.

* Dans l’indiscernabilité entre l’emphase de l’illusoire et l’écriture vraie de l’Amour :

L’Écriture de l’Amour d’Isabelle se déploie donc sur le fil d’un rasoir, au risque des rires du badaud bonasse et dans le coup de l’époque : emphase ridicule de l’invraisemblable grotesque (il faut charger pour tenir les enjeux ! ?). L’Écriture de l’Amour ne peut toucher son Réel qu’au prix de ce risque, elle doit « forcer » l’emphase et l’invraisemblable pour affirmer la rareté et l’excès du Réel d’Amour – rareté et excès au regard de nos régimes d’existence instrumentaux et digestifs. Si ce Réel est touché alors l’emphase peut devenir poétique et l’invraisemblable se muer en sa vérité crue.

Le tour d’Écriture d’Isabelle consiste à soutenir une stylistique toute en pudeur, en retenue, en légèreté et alors en gravité sans ostentation ni emphase justement ; comme une chorégraphie des corps-âmes transis par l’Amour.

* Du Nihilisme contemporain quant à l’existence possible de l’Amour : jeunes/vieux CONS.

Nous appellerons Nihilisme contemporain l’incroyance en l’Amour  – mais aussi l’incroyance à l’existence possible de l’Art, de la Politique et de toute pensée et activité non instrumentale et non marchande quant à son fond ! ?

Nous appellerons  jeune con ou vieux con (ce sera selon) tout individu assumant ce Nihilisme.

Isabelle nous propose un test : tout lecteur riant à gorge déployée de ce que pointe son Roman sera déclaré solennellement jeune ou vieux con notoire.

Merci Isabelle.


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